LE GENOU D'AHED

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Le Genou d’Ahed est un film de Nadav Lapid, réalisateur israélien auquel on doit notamment Synonymes (2019). Il y suit un réalisateur connu et dépressif depuis que sa mère et collaboratrice est atteinte d’une maladie grave. Son héros débarque en plein désert pour montrer ses films. Il espère se changer les idées et sa rencontre avec une charmante fonctionnaire du ministère de la Culture lui fait envisager la manifestation avec optimisme. Sa bonne humeur s’envole quand on veut lui faire signer une déclaration où il s’engage sur le contenu de sa présentation devant le public. Il doit ainsi signaler quels sujets il va aborder au cours des débats.

Nadav Lapid s’est inspiré de la réalité pour écrire son scénario. En juin 2018, il a bel et bien été invité à présenter son film L’Institutrice dans un petit village de la région de la Arava. Comme son héros, on lui a demandé de signer une déclaration limitant sa liberté d’expression. La jeune femme qui lui a présenté le document lui a avoué ne pas être fière de devoir le faire. Il a hésité à enregistrer ses déclarations à l’insu de la fonctionnaire mais a décidé que cela n’était pas déontologique de la mettre ainsi dans l’embarras.

Quelques mois  après cette aventure, le Ministère de la Culture a imposé une loi pour la « loyauté de la culture » qui interdit de financer des œuvres jugées infidèles à l’Etat. Cela lui a donné envie de réaliser Le Genou d’Ahed, récompensé en 2021 par le prix du Jury du Festival de Cannes ex-æquo avec Memoria d’Apichatpong Weerasethakul.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver SOGNI D'ORO (Nanni Moretti explore aussi sa vie de cinéaste face à son public dans l'un de ses premiers films.) ou encore LA NUIT AMÉRICAINE (François Truffaut montre comment on tourne un film dans cette chronique inoubliable.).

Nadav Lapid a écrit Le Genou d’Ahed en imaginant un réalisateur qui aurait agi différemment de lui. Son héros refuse de signer le fameux document et compromet la fonctionnaire en diffusant l’enregistrement dont elle émet des doutes sur le gouvernement. L’attitude de cet homme s’explique, selon lui, par le fait qu’il se sent obligé de faire face à une double mort: celle de sa mère et celle de son pays. La mère du réalisateur a participé au montage des films de son fils à l’exception de celui-ci. Elle est décédée d’un cancer des poumons à la fin du montage de Synonymes. Il a commencé à écrire Le Genou d’Ahed un mois après son décès.

Ahed, dont le genou donne son titre au film, est devenue une héroïne pour les Palestiniens en 2018. Cette adolescente de seize ans a giflé un soldat israélien qui voulait entrer chez elle. Les Israéliens la considèrent comme une terroriste et un député a même appelé, sur les réseaux sociaux, à lui tirer dans le genou pour la rendre handicapée. Si cet événement a inspiré Nadav Lapid, le cinéaste en a également profité pour rendre hommage au Genou de Claire d’Eric Rohmer en incluant cette partie du corps dans le titre de son film.

Le Genou d’Ahed a été tourné en dix-huit jours. Nadav Lapid savait qu’il fallait filmer vite et ne surtout pas montrer son scénario aux comités de lecture gouvernementaux de peur de s’exposer à la censure. Avshalom Pollak, qui incarne le héros du film, est un chorégraphe qui avait arrêté de jouer la comédie pour se consacrer à sa troupe de danse. Il a accepté de revenir au jeu d’acteur pour ce film alors qu’il l’avait abandonné depuis vingt ans. Pour la séquence de transe du héros, Nadav Lapid a employé une technique particulière : couché sur le sable, il appuyait sur les pieds du comédien afin de lui communiquer le tempo de la scène et les moments où il devait accentuer certains mots. Il considérait ce discours comme un concert de percussions dont les mots devaient pénétrer dans le cerveau du spectateur.

Si j'avais dix-huit ans et que je voulais devenir cinéaste, ce serait Nadav Lapid, mon modèle d'aujourd'hui (et pas Hamaguchi par exemple). Ce serait Nadav Lapid, parce que Le Genou d'Ahed est un film qui transgresse toutes les lois implicites, qui ne cesse de réinventer le ...

Cela va sans dire pour quiconque aura vu Le Genou d'Ahed que ce film est un véritable coup de poing tant par sa forme que par son propos, qu'il est un film aussi innovant que provocateur, un film puissant puisqu'il semble capturer l'âme malade d'un pays violent fondé sur l'horreur ...

Nadav Lapid s’en est expliqué assez longuement : écrit en quinze jours, tourné avec très peu de moyens, son dernier film est une œuvre de l’urgence. Un cri spéculaire, qui voit un cinéaste présenter son dernier métrage dans un coin reculé d’Israël, se confronter ...