A WOMAN CONDEMNED

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Dorothy Davenport, retenez bien ce nom. Effacée des livres d’histoire du cinéma hollywoodien, cette actrice, scénariste, productrice et réalisatrice a pourtant mené une étonnante carrière dans un système exclusivement masculin. À l’inverse d’une autre Dorothy (Arzner, femme cinéaste qui a tourné une vingtaine de films entre les années 1920 et 1940 à Hollywood, et réhabilitée depuis peu grâce à différents ouvrages féministes), Davenport est restée dans les limbes de l’âge d’or des studios. 

Celle qui est créditée sous le nom de Mrs Wallace Reid dans certains génériques, en référence à son époux, acteur alors plus célèbre qu’elle, n’a certes réalisé que six films au sein de sociétés plus mineures que la RKO ou la Warner, mais voir A Woman Condemned permet de rendre compte de l’acuité du regard de cette cinéaste. Tourné sous l’égide de Willis Kent, producteur de séries B policières pré-Code Hays, c’est-à-dire juste avant la mise sous chape de plomb puritaine de la production hollywoodienne jusque dans les années 1960, ce film de 66 minutes seulement préfigure le filmnoir qui fera fureur dix ou quinze ans plus tard à travers les yeux de Fritz Lang, Billy Wilder, Otto Preminger ou encore Robert Siodmak. 

Femme fatale, “weak guy” (personnage masculin ordinaire, héros malgré lui), suspense, machination et réalisme : tous ces tropes du film noir sont présents dans A Woman Condemned, condensés sur une durée d’à peine une heure, le plus souvent sous une forme encore embryonnaire. En effet, le film n’embrasse jamais totalement la noirceur contenue dans son scénario, à part peut-être une scène de meurtre et d’agonie frontale, à cause d’un montage très elliptique qui a cependant le mérite d’aller à l’essentiel. 

Qu’importe, A Woman Condemned est la parfaite porte d’entrée pour les non-initiés au film noir. De plus, contrairement aux films du genre, souvent teintés de misogynie avec leurs personnages de femmes fatales vampiriques et manipulatrices, A Woman Condemned met en scène un personnage féminin plus pur et bien attentionné joué par Claudia Dell, la femme condamnée du titre, qui ressort blanchie et victorieuse de cette histoire. A Woman Condemned, c’est peut-être le seul film noir foncièrement féministe de l’histoire du cinéma.