AUX YEUX DE TOUS

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Un homme au coeur d’une pièce regarde les images de caméras de surveillance et assiste à un attentat dans une gare parisienne. Il rembobine, regarde à nouveau les images, change d’angle et découvre le couple poseur de bombe.

Commence une traque à travers le labyrinthe des vidéosurveillances et des webcams. Mélanie Doutey - d’habitude cantonnée aux comédies romantiques - incarne Nora, jeune fille paumée qui, avec son petit ami, pose la bombe et se retrouve un peu malgré elle au coeur d’un complot terroriste. Face à elle, Olivier Barthélémy (découvert dans Sheitan) incarne le terroriste. Les deux comédiens sont excellents, mais le film vaut surtout pour son principe.

Premier film du cinéaste Cedric Jimenez, Aux yeux de tous est en effet le premier long métrage entièrement réalisé à partir d’images de caméras de surveillance. Un film qui invente le thriller 2.0 adapté à l'ère de la contestation des Anonymous. Un film de genre teinté de politique citoyenne. Ne souriez plus, vous êtes filmés.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE GANG ANDERSON (Parce que ce film de Sidney Lumet joue sur la paranoia 60's et base une partie de sa mise en scène sur les caméras de surveillance) ou encore A BOUT PORTANT (Parce que le Paris que montre Cedric Jimenez dans son premier film, fait beaucoup penser au thriller de Fred Cavayé).

Au cas où vous ne l’auriez pas compris, le roman préféré de Cedric Jimenez est 1984 de George Orwell. Ici, Big Brother, l'oeil inquisiteur, c’est celui d'un jeune hacker qui pirate caméras de vidéosurveillance et webcams parisiennes, et dont les images sont la composante de ce premier film ahurissant.
"Je voulais explorer une piste inédite", expliquait Cédric Jimenez au moment de la sortie. Contrairement à Rec ou à Blair Witch, les films de found footage dont le principe esthétique n’est au fond qu’un gimmick de petit malin, ici, les caméras de surveillance en disent long sur notre société. Une société d’images omniprésentes, où la frontière entre la vie privée et la sphère publique se brouille pour devenir anxiogène.
Aux yeux de tous est donc un bel objet politique qui rappelle que 673 000 caméras de surveillance en France nous contemplent à chaque instant.
Mais Cedric Jimenez a fait de ce présupposé un véritable film. Quelques chiffres: 600 séquences tournées en vingt-cinq jours, 1100 plans montés dont 946 truqués afin de leur donner une texture vidéo, vingt semaines de montage... un budget de 1,15 million d'euros. Et un moteur : la contrainte. Parce que si le point de vue est “neutre”, les cadrages et le découpage obligent le spectateur à chercher l'information dans l'image. C'est lui qui se balade dans l'image et non l'image qui le balade.
Obligé de renoncer à beaucoup d’éléments de la grammaire cinématographique classique (pas de contre champ, peu de découpage, plans larges constants), Jimenez réussit pourtant ses poursuites et l’adrénaline est au rendez-vous. Car Aux yeux de tous évite les principaux écueils de son choix narratif très fort : jamais statique, ni trop démonstratif, il s’agit d’un vrai thriller haletant, électrique même, pulsé par une musique endiablée (quarante morceaux composés par Julien Fabre et Michael Tordjman). Jimenez est un cinéaste à surveiller de très près.