Plutôt qu’une approche pittoresque de la rue Daguerre,
Daguerréotypes s’attache à nous faire partager quelques tranches de vies toutes simples. Le choix des personnages s’est imposé de façon non moins simple. « J’ai fait tirer une ligne électrique de ma maison, raconte la cinéaste, et le fil mesurait 90 mètres. J’ai décidé de tourner
Daguerréotypes à cette distance-là. Je n’irais pas plus loin que mon fil. Je trouverais de quoi filmer là, et pas plus loin. »
Elle met en place une méthode de tournage qui va se révéler très efficace pour saisir les moments de vérités qu’elle traque. Son équipe est réduite au minimum et avec l’ingénieur du son et Nurith Aviv qui tient la caméra, il s’agit de se cacher dans les boutiques pour se faire oublier. Sa devise tient en trois mots « discrétion, immobilité, écoute ». La cinéaste se souvient : « Il est arrivé qu’un type entre dans la mercerie pour acheter deux boutons de chemise à 20 centimes, qu’il paye et ressorte sans sourire… et sans avoir jeté un seul coup d’oeil à la caméra. » Au sein de sa galerie de personnages, une femme tient une place particulière. Celle qu’Agnès Varda appelle Madame Chardon Bleu, du nom de la boutique où elle passe ses journées au côté de son mari, dégage une réelle fascination. Perdue dans ses pensées, silencieuse, elle semble vivre dans un autre monde. Cette dame dans cette boutique improbable, à la fois mercerie, bonneterie et parfumerie où l’on vend les parfums faits main au détail, a autant frappé l’esprit de la cinéaste que celui des spectateurs. À tel point qu’Agnès Varda a reçu à deux reprises des mandats pour qu’elle lui offre des fleurs.
Au final, ce film n’a pas véritablement modifié les rapports entre Agnès Varda et les commerçants de sa rue. Comme elle l’a raconté : « Il y eut un changement – un seul - entre avant Daguerréotypes et après. Ils avaient compris que le cinéma était un vrai travail. Ils avaient vu Nurith (Aviv) porter à l’épaule la caméra 16mm, ils nous avaient vu commencer très tôt pour éclairer les boutiques… Avant ils me prenaient pour une artiste fumiste et non conformiste. Après j’étais devenue une travailleuse.