DANS UN RECOIN DE CE MONDE

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La jeune Suzu quitte Hiroshima en 1944, pour rejoindre l’homme qu’elle vient d’épouser à Kure, un port militaire. Mais la guerre rend le quotidien de plus en plus difficile à affronter. Sa joie de vivre, son amour pour les autres chancellent par moments, alors que les bombardements se font de plus en plus nourris… On l’aura compris, Dans un recoin de ce monde n’est pas un film prioritairement destiné aux enfants…

Mais ceux-ci se régaleront sans doute à l’instar de leurs parents et grands-parents tant ce film parvient, sans jamais rouler les mécaniques ou forcer notre empathie à nous bouleverser comme peu de films d’animation le font. La grande trouvaille du film est de démarrer piano, nous offrant de retrouver ces petits gestes du quotidien qui font tout le sel des films d’Ozu, pour faire monter peu à peu la pression et rendre insupportable les effets de la guerre.

Le film n’est pas pour autant revanchard, le drame du conflit n’est pas le fait des Américains, mais plutôt vécu comme une catastrophe naturelle devant laquelle il convient de faire le dos rond. Le film ne sombre jamais dans le mélo, mais sait nous toucher au plus profond par son humanité qui nous rappelle un autre chef d’œuvre du cinéma d’animation nippon, Le Tombeau des lucioles, d’Isao Takahata, l’histoire de deux enfants sans abri touchés par les retombées radioactives d’Hiroshima. Impossible de ne pas avoir les larmes aux yeux !

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE TOMBEAU DES LUCIOLES (Ces deux films d'animation tracent le portrait de Japonais en souffrance au moment d'Hiroshima) ou encore JEUX INTERDITS (Il parle également de la résilience des jeunes quand la guerre fait rage.).

Dans un recoin de ce monde est adapté d’un manga de la dessinatrice Fumiyo Kôno, sorti en 2008. Quand Sunao Katabuchi, le réalisateur, l’a contactée, elle lui a appris qu’un projet de film en prises de vues réelles était dans les tuyaux. Mais le projet a capoté, et c’est bien l’œuvre de Katabuchi que nous avons eu le bonheur de découvrir. Pour les besoins du film, le réalisateur a effectué des recherches pendant quatre ans, consulté des archives, lu les bulletins météo de l’époque, étudié les plans de la ville. Tout a été traité avec un soin maniaque de la vérité historique. 

Les scènes se déroulant à Kure bénéficient sans trop de mal de ces recherches. Mais il en est de même pour ce qui est de celles qui ont Hiroshima pour cadre. Sachant ce qu’il est advenu de la cité, on imagine que les repérages n’ont pas dû couler de source. Certains quartiers n’ont pas été intégralement soufflés par la bombe atomique, mais tous les bâtiments ne sont pas restés debout bien sûr… Katabuchi s’est entêté, il a recueilli le témoignage des survivants, parvenant in fine à un résultat d’une très grande fidélité architecturale. Mais le projet restait difficile à lancer. C’est par financement participatif que l’argent a été récolté, une première pour un film d’animation.

Prix du jury en 2017 au festival d’Annecy, ce très beau film parvient à concilier l’inconciliable : il montre les ravages de la guerre sans jamais lâcher ne serait-ce que d’un iota son humanité naturelle.  A la fois intime et universel, ce film est le chef d’œuvre de Katabuchi, ancien assistant du maître Hayao Miyazaki au sein des studios Ghibli, et dont les films précédents,  Princesse Arete, et Mai Mai Miracle avaient en leur temps attiré l’attention. Signataire par ailleurs de très nombreux épisodes de séries et d’une foultitude de storyboards, notre homme sait manifestement tenir son pinceau.

Je ne me distinguerai pas en affirmant que « Dans un recoin de ce monde » tient du prodige, il suffit de lire ou entendre les personnes en parler pour savoir combien l’émotion est immense, même si elle fut parfois abrupte ou douloureuse pour certains à visionner. Cela tient ...

Le palmarès d'Annecy 2018 l'a prouvé, l'animation japonaise est plus dominante que jamais et quelques jours après le très sympathique Cristal "Lou et l'île aux sirènes", c'est au tour du Prix du jury de débouler sur nos écrans. Et là franchement on monte au moins d'une ...

Ne vous laissez pas abuser par le dessin de l’affiche, gracieux, fleuri et tout en rondeur, Dans un recoin de ce monde est une œuvre grave. Par le regard et les souvenirs de Suzu, une jeune fille douce, serviable et gentiment tête en l’air, le spectateur se trouve confronté ...