DÉLICIEUX

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Un « lieu de gourmandise », un lieu de « bonne bouche » c’est la halte que propose un cuisinier -en délicatesse avec le duc qui l’a débauché- pour renaitre socialement. Il est aidé par une jeune femme qui veut devenir son apprentie. Mais les diligences et les voyageurs s’arrêteront-ils en ces lieux pour y casser une croute ?

« Délicieux » c’est à la fois le nom du restaurant et le titre du film réalisé par Eric Besnard, en 2021, et qui nous renvoie en 1789, dans la province française alors que la révolution se trame, y compris au fond des assiettes. Grégory Gadebois incarne le cuisinier Manceron, Isabelle Carré son apprentie et l’on reconnaitra encore Benjamin Lavernhe ou Guillaume de Tonquédec sous les perruques et malgré les fards.

C’est donc un film en costumes, dans les frimas du 18ème, qui s’inspire de faits réels pour raconter la naissance d’un esprit français rebelle et pourtant merveilleusement codifié : la gastronomie pour tous, la table comme lieu de partage et de brassage social.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver AU PETIT MARGUERY DE LAURENT BÉNÉGUI (1995) (C'est le dernier repas servi dans le restaurant du "Petit Marguery" avant qu'il ne ferme, le cuisinier étant malade. La tablée des proches, des amis et de la famille est réunie pour l'ultime cérémonie. Le film délicat et autobiographique d'un écrivain-cinéaste.) ou encore VATEL DE ROLAND JOFFÉ (2000) (C'est l'histoire de l'intendant et grand ordonnateur des fêtes de la maison Condé qui doit produire des tables et des réceptions somptueuse pour satisfaire les gouts des grands de ce monde. Hélas la perfection et la grandeur ne font pas toujours bon ménage. Depardieu gourmet, gourmand, géant.).

Au 18ème siècle, on a allumé les lumières en France et, entre autres joyeusetés philosophiques, on a inventé le restaurant. C’est ce qu’a découvert, aux travers de ses lectures, le cinéaste Eric Besnard qui a mis son tablier pour dresser une table cinématographique à cet évènement. Le concept de gourmet, l’invention de la convivialité et in fine, la gastronomie, sont devenus une révolution dans la révolution, pour enfin incarner l’esprit français.

Pour tourner en ce lieu quasi sacré où l’on est reçu et où l’on se « restaure », le cinéaste a beaucoup visité de masures dans la France profonde avant de jeter son dévolu sur une grange du 18ème dans le Cantal. Là il a travaillé son décor, l’a fait évoluer, en pensant à la fois aux relais de poste et à la maison irlandaise de John Wayne dans « L’homme tranquille ». Le film ajoute à cette unité de lieu une unité de temps: l’action se déroule sur une année et il fallut travailler les couleurs pour suggérer les saisons. La référence fut le peintre Jean Chardin qui travailla à représenter cette époque, son époque.

C’est donc un film intime, pour un petit budget de cinq millions, qui s’est élaboré là et qui fut tourné en sept semaines. Il s’inscrit dans une tradition du film de bonne chère et l’on salive en repensant au « Festin de Babette » de Gabriel Axel (1987) ou « Vatel » de Roland Joffé en 2000. Il n’y a pas que la musique pour adoucir les moeurs, il y a aussi le cinéma et les arts de la table.

Délicieux a quelque chose de décalé et atypique, tant dans la période où il se déroule que dans celle où il est exploité. Car le film de Eric Besnard transpire la passion pour son sujet, jusqu'à transmettre malgré l'écran le goût et l'odeur de sa cuisine par ses couleurs ...

Comment est né le premier restaurant ? Au cours de lectures sur le XVIIIème siècle, je suis tombé sur l’invention du concept du restaurant. Je ne m’étais jamais posé la question de l’origine de ce lieu si patrimonial. Du coup j’ai fait des recherches et vite compris ...

Le film est plus plaisant que ce à quoi je m’attendais, étant donné les avis que j’avais pu lire et le public plus que clairsemé dans la salle. Il faut en convenir, la vérité historique n’est pas toujours au rendez-vous mais l’essentiel de l’histoire reste plausible ...