IMA

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“Boy meets girl”. En partant du pitch le plus rebattu de l’histoire du cinéma, Nils Tavernier signe une comédie sentimentale aux ressorts musicaux d’une fluidité remarquable. Il s’agît pourtant au départ d’un film de commande, imaginé par un chanteur éminemment populaire et destiné à nourrir un peu plus sa propre légende. Ce chanteur c’est le franco-congolais Dadju, frère cadet de Gims - ex-Maître Gims - compositeur et interprète dont le succès ne se dément pas depuis dix ans. Dans Ima, Dadju tient son propre rôle, celui d’une star du r'nb qui lors d’un concert donné chez lui à Kinshasa tombe amoureux d’une jeune étudiante, Ima, pour qui il ne représente pas grand chose. Elle ne connaît pas ses chansons et n’a accouru à son show que pour faire plaisir à sa petite soeur, fan de la première heure. En cherchant à attirer l’ attention d’Ima, en comprenant aussi ce que cachent ses étranges préventions vis-à-vis de lui, Dadju va aussi découvrir ce qu'est en réalité le statut social des femmes du Congo. Tourné peu après la disparition de son père, Bertrand Tavernier, durant l’été 2021 dans des conditions extrêmes que la vision du film ne permet pas d’imaginer, Ima subjugue par son atmosphère, son caractère solaire et la justesse de ses acteurs. Dadju se révèle aussi bon chanteur que comédien, tandis que Karidja Touré, alias Ima, poursuit avec bonheur son parcours d’actrice en composant un beau rôle de femme à l’esprit indépendant. Qu’ils semblent lointain désormais ses débuts à l’écran à 18 ans, dans Bande de filles, devant la caméra de Céline Sciamma. Karidja d’origine ivoirienne, y tenait le premier rôle. Il lui avait valu dans la foulée une nomination aux César.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver ALIVE (2004) (Même volonté de faire coïncider musiques et bons sentiments.) ou encore PAROLES ET MUSIQUE (1984) (Avec le monde de la variété pour décor, une histoire d'amour et d'amitié.).

Ima est un film intéressant car il cache son jeu. Au départ il n’offre qu'une relecture du mythe du “poor lonesome singer”, transposition contemporaine de la figure du chanteur abandonné, popularisée jadis par Johnny Hallyday, période Michel Berger. Dadju, tel qu’il nous est présenté au début, est ainsi une autre “Idole des jeunes” tendance musiques urbaines - selon l'appellation labélisée par les Victoires de la musique pour définir le son issu des cités. Comme notre rocker national hier, Dadju, file la nuit de ville en ville, incompris et plus esseulé dans sa tour d’ivoire que ses fans ne l’imaginent. Riche d’argent, mais fauché côté coeur et sentiments. Et puis Nils Tavernier s’en est mêlé. Son expérience du documentaire, son regard social sur le monde, confèrent à Ima une vision politique. Face à sa caméra, Dadju est à sa manière une personne déplacée : fils de Congolais en France, et Français parvenu lorsqu’il retourne dans le pays de ses ancêtres, où sa richesse dans tous les sens du terme provoque l’envie et la colère du promoteur immobilier qui pense pouvoir acheter les charmes de la petite Ima. Dans l’interview accordée par le réalisateur à Filmo, Nils confie le “cadeau” qu’à représenté pour lui le tournage d’Ima. Dans un pays où 74% de la population vit sous le seuil de pauvreté, en guerre depuis 15 ans, il lui a fallu composer “avec une énergie formidable et dangereuse à la fois”. Au Congo, pays où la place accordée aux femmes est réduite à la portion congrue, à Kinshasa, capitale où le viol n’a jamais cessé d’être monnaie courante, il était important pour Nils Tavernier que Dadju tombe amoureux d’une fille “soucieuse de faire des études”, sensible aux questions de diversité et qui suive un chemin de valeurs. “On sortait de l’archétype de la fille mignonne qui pense à s’habiller bien pour séduire à accéder aux plaisirs du monde capitaliste” explique-t-il. Ça ajoutait de la valeur au film”. Le cinéaste à découvert au passage la folle notorité de Dadju. “Tourner trente minutes dans la rue, c’était impossible, aussitôt des mômes surgissaient, qui voulaient tout casser”. Sans parler des coups de feu. De fait, il lui fallait tous les jours réécrire, pour s'adapter à ce contexte imprévisible. Tavernier dit avoir été impressionné par le flegme du chanteur, “sa capacité de contrôle” notamment durant le concert filmé devant 18 000 personnes et au terme duquel, il a fallu que l’équipe fuie. “C’est le film le plus dur que j’aie jamais réalisé. J’en suis sorti meurtri. Mais il défend des valeurs qui me sont chères”.