JOKER : FOLIE À DEUX en VOD
- De
- 2024
- 133 mn
- Comédie
- Etats-Unis
- - 12 ans
- VM - HD
PARCE QUE
Un milliard de dollars de recettes, le premier Oscar de Joaquin Phoenix en tant que meilleur acteur… On peut dire sans trop de risque que Joker a chamboulé l’industrie du cinéma en 2019. En piochant chez Scorsese, autant dans Taxi Driver que dans La Valse des pantins, Todd Phillips est parvenu a renouvelé l’image de l’ennemi juré de Batman au cinéma, et à lui insuffler une dimension politique plus frontale. Qu’attendre de sa suite inattendue Joker: Folie à Deux ? Qu’importe, puisque Todd Phillips a foncé dans la direction opposée. Exit le drame réaliste : place à une oeuvre hybride, à mi-chemin entre comédie musicale et introspection chaotique, portée par un Joaquin Phoenix clope au bec et une Lady Gaga inattendue.
Joker: Folie à Deux est un film étrange, souvent bancal, qui s’oppose à la magnification de son héros. Todd Phillips refuse de faire d’Arthur un symbole et dresse le portrait d’un homme dépassé par l’image que les autres — d’Harley Quinn aux spectateurs en passant par les gardiens de l’asile d’Arkham — projettent sur lui. Parce qu’il n’est pas Joker, et qu’il ne l’a jamais vraiment été. Son égarement lors du premier film n’a duré qu’une soirée, dédoublement de personnalité à la suite d’un acte de violence incontrôlé. Rien de stable, ni d’annonciateur de la naissance d’un Joker assoiffé de sang et de justice. Arthur est redevenu lui-même, mais le monde entier voudrait qu’il se remaquille. C’est pour ça que le spectateur regarde cette suite : pour voir le résultat de l’inégalité dans laquelle Arthur a baigné. Mais l’enjeu du film — et de la vie d’Arthur — est ailleurs. L’homme a perdu sa mère, et son unique souhait est désormais de trouver une autre source de reconnaissance et d’amour. Harley Quinn l’incarnera un temps, avant de pousser son partenaire vers un personnage qu’il n’est plus.
Joker: Folie à Deux délaisse le nihilisme étouffant du premier film pour un fantasme imaginaire, une plongée tête la première dans les pensées sinueuses d’un homme qui cherche avant tout à s’échapper de la réalité. Son imagination est remplie de numéros musicaux boiteux, rarement merveilleux, toujours basés sur des chansons mondialement connues (Frank Sinatra, du Judy Garland)… Le long-métrage s’égare à plusieurs reprises dans un dédale de pensées fantasmées, perdu au milieu de ses références et de ses ambitions. Comme Arthur dans l’asile d’Arkham, le long-métrage erre sans trop savoir où il va. Todd Phillips fait de son personnage une coquille brisée tentant à tout prix de s’échapper de la prison dans laquelle les spectateurs le renferment. Alors il pioche dans le cinéma de Jacques Demy plutôt que dans celui de Scorsese, dans la comédie musicale plutôt que dans le drame politique. Un geste d’auteur audacieux, assurant un suicide médiatique et commercial en prenant à revers les attentes d’Hollywood et du public. En résultat une oeuvre probablement peu comprise, certainement peu aimable, mais profondément sensible.