L'ÉTREINTE DU SERPENT

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On vous propose aujourd’hui de découvrir l’un des moments forts de la Quinzaine des Réalisateurs 2015, un film de deux heures en noir et blanc, signé d’un réalisateur colombien, dialogué notamment en espagnol, en allemand et en langues tribales. Et là, vous vous dites : bien sûr cocotte, ce sera parfait pour faire une sieste. Mais c’est mal connaître le goût de Filmo pour les bons films.

À 40 ans d’écart, un chaman de l’Amazonie, Karamakate, fait la connaissance de deux scientifiques blancs venus dans les profondeurs de la jungle étudier les pouvoirs de la yakruna, une plante qu’on dit magique. Au contact d’Evans, ethnobotaniste parti sur les traces de son aîné Theo, Karamakate va remonter la piste de ses souvenirs, alors qu’il pensait être vide à l’intérieur.

Se plonger dans L’Étreinte du serpent est une expérience particulière, comme si on était invité dans une autre culture, convié à vivre à un autre rythme avec d’autres codes. Vous y verrez des paysages majestueux au service d’une histoire teintée d’une noblesse rarissime aujourd’hui au cinéma. C’est aussi le premier film de fiction tourné en Amazonie depuis 30 ans. À bien des titres, c’est un film privilège.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver AGUIRRE, LA COLÈRE DE DIEU (AGUIRRE est un film de Werner Herzog, tourné en Amazonie, et dont le tournage fut particulièrement pénible.) ou encore D'AUTRES MONDES (Un documentaire de Jan Kounen sur le chamanisme.).

Bien que Ciro Guerra, réalisateur de 35 ans, soit colombien, la forêt amazonienne, ses tribus et ses codes lui étaient inconnus. Il s’est donc rendu dans la région de Vaupés pour rencontrer un guérisseur et lui présenter le projet de L’Étreinte du serpent. Le réalisateur a expliqué au site du New Yorker, que le guérisseur devait ensuite parler à la jungle et lui demander d’adouber ou pas le projet, aussi abstrait que cela puisse paraître. Toujours est-il que les communautés tribales présentes dans la forêt amazonienne ont finalement accueilli l’équipe de tournage, non sans procéder à des cérémonies sacrées. Un chaman a même offert de protéger le tournage, notamment des caprices du ciel.

Devant L’Étreinte du serpent, on devine un tournage assez épique. Le réalisateur Ciro Guerra a même failli baisser les bras après la première semaine de tournage. Il raconte : « On avait trop de problèmes, le plan de tournage était trop serré. Il était clair que l’on n’arriverait jamais à terminer ce film. » Il explique s’être finalement laissé aller au rythme de la nature. Les prises de vues se sont bien passées, dans la jungle du Vaupés, pendant sept semaines, mais elles n’ont pas été de tout repos. Elles duraient parfois jusqu’à seize heures par jour, de 6h à 22h, et les comédiens dormaient à 1h30 de canot du lieu de tournage. Pour l’anecdote, ce sont 8 tonnes de matériel qui ont été acheminées par avion dans la jungle pour le bien du film.

Vous avez peut-être reconnu l’interprète de Theo, qui n’est autre que l’un des plus grands acteurs wallons : Jan Bijvoet, déjà dans Alabama Monroe de Felix Von Groeningen, Les Ardennes de Robin Pront ou encore Borgen, film d’Alex Van Warmerdam présenté en sélection officielle à Cannes en 2013. Evan est, lui, joué par un comédien texan qui fait carrière dans le cinéma indépendant américain et sur les planches.

Quant à Karamakate, il est joué vieux par Antonio Bolívar, “dernier représentant de son groupe, métissé Ocaína et Huitoto” nous dit le dossier de presse. C’est lui qui était le traducteur de l’équipe et qui aidait les acteurs étrangers à parler un tant soit peu les dialectes du film. Ensuite, c’est Nilbio Torres qui joue Karamakate jeune. C’est sa première expérience en tant que comédien, lui qui cultive habituellement le manioc.

On le voit venir de loin, L’Étreinte du Serpent. Voyages en Amazonie, faune et flore sauvages, rencontres de deux cultures opposées, quête initiatique, on devine tout cela dès les premières images. Cela n'empêche pas le choc. Cela n'empêche pas le spectateur d'être littéralement ...

Survivant oublié de ma tribu massacrée, je parcourais mon territoire dans la forêt amazonienne, sans craindre les rencontres. Je me fondais dans la nature, laissant le moins de traces possibles, sauf quelques dessins sur des rochers qui me parlaient. Les jours s’écoulaient ...

Je ne peux pas savoir si cette jungle a amorcé en moi le processus qui en a mené tant d’autres à la folie. Si c’est le cas, je demande ta compréhension, car je ne peux décrire avec des mots la beauté et l’éclat dont je fus témoins pendant ces heures merveilleuses. ...