L'HOMME À LA FERRARI

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Interprété par un Vittorio Gassman au sommet de son art, L’Homme à la Ferrari n’est en rien une séquelle du Fanfaron. Même s’il n’est pas interdit de penser qu’il existe une vraie continuité dans les personnages qu’interprète Gassman lorsqu’il est dirigé par son ami Risi.

Bruno Cortona, l’arrogant conducteur de la voiture de sport du Fanfaron était un peu le petit frère de Francesco Vincenzini, le quadragénaire un rien méprisant, porté par une réussite sociale et matérielle, qui dans L’Homme à la Ferrari fait montre d’une vanité que rien ne semble devoir ébrécher. C’est la même désinvolture, le même manque de compassion pour autrui. Et sans doute les mêmes failles. Car c’est sur du sable que se bâtissent les réussites, surtout quand c’est Dino Risi, moraliste sans être moralisateur, qui raconte. On peut d’ailleurs prolonger les lignes et admettre qu’Albino Millozza, l’industriel de Cher Papa, également campé par Gassman, récolte ce que ses prédécesseurs ont semé. Pour l’heure l’incompréhension entre le personnage de L’Homme à la Ferrari et ses enfants, rejetons d’une époque sans doute trop idéaliste porte les germes de la violence qu’elle finira par déclencher.

Mais il n’est pas indispensable de connaître l’œuvre de Risi sur le bout des doigts pour goûter les charmes de cette cruelle comédie sentimentale qui interroge le désarroi d’une génération confrontée aux sirènes de la libération sexuelle dans une Italie encore engoncée dans ses certitudes moralisantes. D’autant que cette liberté nouvelle a pour la circonstance le joli minois d’Ann-Margret. Une pétulante comédienne au parcours atypique, fan de comédies musicales, qui servit de faire valoir à  Elvis Presley avant de s’épancher dans toutes sortes de films, parcourant les genres et les continents. En France elle a été dirigée par Chabrol et Deray. Mais c’est bien Risi qui lui a offert ses plus jolis rôles européens, avant que l’Amérique ne la récupère pour aguicher Jack Nicholson et Art Garfunkel dans Ce plaisir qu’on dit charnel. On ne se refait pas…

 
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Dino Risi a dirigé Vittorio Gassman à quinze reprises, pas moins. Depuis L’Homme aux cent visages, en 1960, une comédie vibrionnante où notre homme s’en donne naturellement à cœur joie jusqu’à Valse d’amour, quelque trente ans plus tard, une chant du cygne bourré d’émotion.

En passant naturellement par ces sommets que sont Le Fanfaron, La Marche sur Rome, Ames perdues, Cher Papa et bien sûr Parfum de femme. Autant dire que plus que Sordi, Tognazzi ou Manfredi, les autres immenses comédiens de la comédie italienne, Gassman est manifestement l’alter ego de Dino Risi, peut-être sa mauvaise conscience. Le réalisateur a écrit quelques lignes définitives sur celui dont la mort le laissera à jamais inconsolable. Que l’on me permette de reprendre quelques lignes de ce portrait haut en couleurs… « Ma sympathie pour lui persista quand il partit faire l’Italien en Amérique, mèche gominée et pattes, fit semblant de savoir jouer du violon pour Liz Taylor, épousa Shelley Winters qui lui tira dessus avec un revolver… Puis nous commençâmes à nous fréquenter sur les plateaux, où entre deux « Ca tourne » il lisait des poésies de Neruda, ne faisait plus de cinéma que pour l’argent, il devint l’enfant chéri du public, s’acheta une immense villa à Rome, pourvue d’un théâtre, vivait à la Kean, génie et dérèglement, donnait des fêtes, était couvert de femmes, jouait au ballon, au billard, gagnait toujours, insultait ses amis… » Fin de citation.

Un personnage décidemment. Un homme complexe, qui n’aimait pas nécessairement les rôles qu’on lui confiait et ne jurait que par la tragédie, lui l’homme du Nord, si peu italien au fond. Et pourtant personne mieux que lui n’incarne nos cousins transalpins, où du moins l’image pleine de clichés que nous nous en faisons. Cynique, égoïste, menteur, veule, les personnages portés par notre homme avaient à priori tout pour déplaire. Mais ce serait compter sans la profonde humanité de l’acteur. Une humanité magnifiquement mise en valeur quand c’est Risi qui met en scène, un Risi qui jamais n’est dupe, qui a même tendance à en rajouter quand il s’agit de montrer nos travers, notre monstruosité, mais qui décidemment sait faire preuve de beaucoup d’empathie pour les faiblesses de ses contemporains. Sa cruauté n’a jamais été synonyme de mépris. Et c’est ce qui rend son cinéma indispensable.

Un chef d'entreprise surnommé le tigre va se transformer en chat devant les charmes d'une amie de son fils. La comédie ne sort pas des codes du genre, mais elle reste suffisamment bien ficelée et interprétée pour être vu. ...