LA CAMÉRA DE CLAIRE

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La séquence d’ouverture montre Manhee, une jeune femme à qui sa patronne Nam, plus âgée, propose de la raccompagner dans l’appartement qu’elles louent. Quelques jours plus tard, Manhee (Kim Min-hee), éplorée, est rejointe dans un café par une collègue qui s’étonne qu’elle ne soit pas déjà rentrée à Séoul et l’interroge sur les raisons de sa soudaine démission. Manhee raconte alors comment Nam (Chang Mi-hee), lui reprochant son manque d’honnêteté, a mis fin sur le champ et sans s’expliquer davantage à leur relation professionnelle de cinq ans… Entre alors en scène une femme française portant chapeau et munie d’un appareil-photo instantané, elle s’appelle Claire et est interprétée par Isabelle Huppert…

C’est un conte à la Rohmer, auquel le titre français fait forcément penser, une fantaisie printanière mais sous un ciel d’orage, où le passé, le présent et le futur se mélangent, et où la magie opère à bien des niveaux : pour les personnages comme pour les spectateurs. La caméra du titre est en réalité un appareil-photo désuet à l’heure et à l’ère du portable : l’image en sort instantanément après la prise et se révèle peu à peu, créant du mouvement, du changement et de la fiction.

On voit par là que même si le quatrième personnage est un réalisateur sud-coréen, So Wansoo (incarné par Jung Jin-young), dont le nom même et l’apparence physique rappellent irrésistiblement Hong Sang-soo, le double de ce dernier est plutôt Claire/Isabelle Huppert, dont la «caméra» modifie le cours des événements… C’est un film sur le regard. Sur les choses qui ne sont pas exactement ce qu’elles ont l’air d’être. Et sur l’art qui peut réparer les blessures car, comme le dit Claire: "la seule façon de changer les choses est de les regarder très lentement une fois encore."

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA FEMME DE L’AVIATEUR DE ERIC ROHMER (1981). (Chassé-croisé amoureux entre deux hommes et deux femmes, et où un appareil-photo instantané joue un rôle...) ou encore LA BONNE ANNÉE DE CLAUDE LELOUCH (1973) (Film tourné dans la ville de Cannes, comme La Caméra de Claire.).

Le réalisateur coréen, Hong Sang-soo dirige ici pour la deuxième fois après In another country, en 2012, la star française Isabelle Huppert. Mais ce n’est pas la seule singularité de ce court opus, ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, comme seuls peuvent l’être les films de Hong Sang-soo. Celui-ci, le vingtième en vingt ans, a été tourné en cinq jours, comme un geste quasi improvisé, en tout cas tout à fait volé, dans les ruelles et sur la plage de Cannes, pendant le festival 2016.

Le festival est singulièrement absent à l’image, à peine si on remarque, lorsque les deux comédiennes traversent une artère, les voitures officielles noires flanquées d’un macaron bleu qui sillonnent la ville pendant la manifestation cinématographique. Mais celle-ci est évoquée dans les dialogues : Claire alias Huppert accompagne une amie venue présenter son film et rencontre par hasard So Wansoo, réalisateur dont la dernière œuvre est sélectionnée. Par ailleurs, on comprend un peu plus tard que Manhee et Nam travaillent dans la vente de films.

La jeune et radieuse comédienne Min-hee Kim, née en 1982, a débuté comme mannequin avant de tourner dans des séries télévisées puis des films pour adolescents, Hong Sang-soo l’a dirigée pour la première fois en 2015, dans Un jour avec, un jour sans, dans lequel elle incarne une jeune femme dont un réalisateur tombe amoureux … ce qui se réalisa aussi dans la vraie vie. En 2016, alors qu’elle faisait ses premiers pas sur la Croisette avec le film de Park Chan-wook, Mademoiselle, présenté en compétition officielle, elle tourna de nouveau avec Hong Sang-soo La Caméra de Claire dans les rues de la ville. Seule sur la plage la nuit lui a valu l’ours d’argent de la meilleure actrice à Berlin en 2017, et elle revint deux fois à Cannes cette année-là en mai avec son compagnon et réalisateur fétiche pour présenter en compétition Le Jour d’après et, hors compétition, La Caméra de Claire…

Les films de Hong Sang-soo ont beau se succéder à un rythme effréné, retravailler toujours les mêmes thèmes, suivre un style ludique et minimaliste reconnaissable entre mille, on n’est jamais, chez lui, tout à fait en terrain conquis. Une certaine étrangeté demeure. ...

Il suffit parfois d'une sensation... d'une émotion et l'esprit s'amarine à une période passée et vous fait débarquer dans un univers que vous croyiez à jamais immergé. Dès les premières images de "La caméra de Claire" un bien-être s'impose. Des personnages aux comportements ...

En écrivant deux-trois mots sur "Hill of Freedom" je me suis aperçu que j'avais oublié de noter cette "Caméra de Claire" avec qui il partage en tout point l'obsession pour le hasard et la valeur du soi-disant petit moment. Hong Sang-soo est un stakhanoviste qui a fait de ...