LE DIABLE N'EXISTE PAS

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Le cas de Mohamed Rasoulof est singulier. Depuis 2019, ce cinéaste iranien est dans l'attente de l'exécution d'une nouvelle peine de prison d'un an, prononcée pour propagande contre le régime à qui ses films déplaisent. Entre temps, bien que privé d'autorisation de faire son métier, il continue à tourner en clandestinité. 

Au delà de son sujet, la peine de mort en Iran, Le diable n'existe pas est un film sur l'esprit de résistance. Celui de Rasoulof, qui persiste à questionner son pays tout en y vivant de manière très surveillée, mais aussi celui des personnages des quatre récits ici réunis. Leurs trajectoires, liées de près ou de loin, aux décisions arbitraires d'un système juridique, se font écho pour un portrait d'une peine plus diffuse, celle d'une culpabilité collective. 

Rasoulof retourne les outils habituels d'une dénonciation d'un pouvoir en place pour interroger les citoyens, se demander ce qu'il se passerait dans leurs sphères intimes s'ils faisaient le choix de dire non. En scrutant ainsi les rôles et les responsabilités de tout un chacun face à un régime despotique, Le diable n'existe pas se fait puissant recueil de fables philosophiques, dépassant les frontières de l'Iran.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA LOI DE TÉHÉRAN (Tout aussi pertinente, une autre reflexion sur les enjeux moraux de la société iranienne, cette fois-ci par le face à face entre un policier et un trafiquant de drogue) ou encore APPRENTICE (Ailleurs aussi, la peine de mort pose des questionnements existentiels. Apprentice suit ceux d'un apprenti bourreau à Singapour.).

La structure en quatre récits indépendants du Diable n'existe pas est due aux contraintes rencontrées dans son quotidien par Mohamed Rasoulof. Impossible pour lui de tourner dans des conditions usuelles un long métrage, tant qu'il reste dans le radar du pouvoir. La solution d'en passer par des courts-métrages qu'il rassemblerait ensuite en un long restait la plus discrète. De même, il est allé tourner dans une campagne moins surveillée. Un plan de tournage qui finira par ricocher sur le film en soi en mettant en parallèle l’horreur et les turpitudes de certaines situations humaines et la beauté comme la part paisible de la nature. La structure même du Diable y trouvant son cheminement : plus les récits se déroulent loin des villes, plus leurs personnages ont fait le choix d'une désobéissance au système pour vivre au mieux selon leurs propres règles, quitte à en éprouver le coût. 

Rassoulof a lui-même été soumis à cette question lorsqu'il est tombé par hasard en pleine rue sur un homme qui l'avait arrêté et brutalement interrogé lors d'un précédent tournage. Porté par la colère, il l'a suivi en voiture avant de s'interroger sur les motivations d'alors de cet homme, s'il n'avait pas dû lui même obéir au pouvoir pour simplement subvenir aux besoins de sa famille. Rasoulof trouvera dans cette expérience, la base du second segment du Diable n'existe pas, ainsi que le principe d'un film autour de la banalité du Mal. 

Officiellement – malgré la visibilité internationale offerte par un Ours d'or remporté en 2020 au festival de Berlin -   Le diable n'existe pas n'est pas sorti en Iran. Et pourtant ce film y est très présent dans les esprits comme dans l'opinion publique. Pour preuve, la manière dont il s'est invité dans le débat virulent autour d'une condamnation appliquée en juin 2020. Plusieurs prises de paroles ont cité Le diable n'existe pas pour argumenter leur ressenti et appeler à une réflexion sur la possibilité que le silence des iraniens puisse être complice du système en place...

Quitter le travail, circuler dans des rues embouteillées, récupérer femme et enfant, aller à la banque, rendre visite à sa mère malade, surveiller les devoirs scolaires, dîner dans une chaîne de fast-food… La première partie du film Le Diable n’existe pas puise dans ...

Faut-il être à tout prix indulgent pour l’œuvre d'un cinéaste harcelé par les autorités de son pays, emprisonné à l'occasion et interdit de sortie de son territoire, entre autres brimades ? La réponse est évidemment négative mais ne se pose pas dans le cas de Le diable ...

Comme toujours je me suis rendu à cette séance sans avoir lu le synopsis ni vu la bande-annonce, avec donc comme seuls repères le nom d'un réalisateur qui m'avait ébloui avec son "homme intègre" et dans son sillage une réputation de grand film depuis son Ours d'Or berlinois ...