LE PRIX DU SUCCÈS en VOD
- De
- 2017
- 88 mn
- Drame
- France
- Tous publics
- VF - HD
PARCE QUE
Teddy Lussi-Modeste l’a toujours revendiqué : son cinéma s’inspire directement de sa vie. C’est évident avec son premier long-métrage, Jimmy Rivière, qui suit un jeune gitan décidé à se convertir au pentecôtisme. Le réalisateur étant lui-même issu de la communauté des Gens du voyage, voilà un sujet qui le concerne de près. C’est tout aussi évident avec sa troisième fiction, Pas de vague, sorti au printemps 2024, avec un François Civil en professeur de français accusé à tort de harcèlement sexuel par une élève. Teddy Lussi-Modeste, ancien enseignant en Seine-Saint-Denis, a vécu une expérience similaire. Entre les deux, Le prix du succès, sorti en 2017, est peut-être le film qui, de prime abord, est le plus distant de son auteur.
Que peut-il y avoir en commun entre lui et son personnage principal, Brahim, humoriste sur la pente ascendante, qui doit gérer un frère encombrant tout en conservant le lien avec sa famille d’origine modeste ? Tout, en réalité. Comme Brahim, Teddy Lussi-Modeste a dû composer avec la méfiance du cocon familial lorsqu’il a intégré la célèbre école de cinéma de la Femis. Et si lui ne roule pas en Porsche et ne peut se targuer d’une célébrité comparable à celle de son héros, il a pourtant dû marcher sur la ligne de crête entre loyauté et besoin d’émancipation.
C’est là tout le sujet de ce film si simple en apparence, mais qui vient remuer les subtilités des relations familiales. Brahim, brillamment incarné par un Tahar Rahim à la fois séducteur et fébrile, est celui qui a réussi et qui devrait à la fois s’en excuser et en faire profiter tout le monde. Son frère Mourad (Roschdy Zem, qui peut passer en quelques secondes du protecteur à l’adversaire, de la bonhomie à la menace) le regarde avec un mélange d’envie et de fierté. Le prix du succès évite avec intelligence d’appuyer sur les clichés pour préférer la zone grise, celle où les sentiments contradictoires se confondent, la seconde précise pendant laquelle le dîner familial devient embarrassant. La mise en scène de Teddy Lussi-Modeste épouse cet entre-deux, avec un film qui oscille constamment entre le drame social et le thriller.
Ce faisant, le cinéaste ne se contente pas de décrire une seule famille mais bien la société entière, qui a pour certains de ses enfants issus de l’immigration les attentes les plus contradictoires, faites d’injonctions à la réussite d’une part et de mépris latent de l’autre. L’écriture du film, vive, légère et très fluide (comme pour tous ses longs-métrages, Teddy Lussi-Modeste a travaillé avec la scénariste et réalisatrice Rebecca Zlotowski), l’empêche de sombrer dans une noirceur qui aurait confiné au dolorisme. S’il s’achève sur une forme d’apaisement, Le prix du succès s’autorise surtout de la mélancolie et dresse, en creux, le portrait de tous les Mourad qui ne monteront jamais l’échelle de la gloire parce qu’il leur manque, non le talent, mais les codes pour le faire accepter.