LE TEMPS D'AIMER ET LE TEMPS DE MOURIR

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Douglas Sirk, cinéaste allemand d’origine danoise, a longtemps été considéré comme « le prince du mélodrame », à son corps défendant puisqu’il explique dans un entretien à la fin des années 1960 qu’il n’est « pas homme à aimer les drames qui font pleurer Margot ». Difficile pourtant de retenir ses larmes devant Tout ce que le ciel permet ou Mirage de la vie, pour ne citer que deux de ses plus beaux films. Pour réaliser Le temps d’aimer, le temps de mourir, Sirk s’entoure de son équipe fétiche avec qui il a collaboré sur plus d’une dizaine de films, notamment Russell Metty à la photographie, ici, crépusculaire et Alexandre Golitzen pour les décors impressionnants de ruines et de fronts de guerre. Il s’adjoint également les services du prolifique Miklos Rózla à la musique (La maison du Dr Edwards, Quand la ville dort, Ben-Hur, Assurance sur la mort…). 

Pour incarner le couple du film, on retrouve John Gavin (Ernst Graeber), l’un des jeunes premiers de l’après-guerre, dans la lignée de Rock Hudson ou Montgomery Clift et qui sera également le jeune amant de Lana Turner dans Mirage de la vie et celui de Janet Leigh dans Psychose. C’est l’actrice suisse Liselotte Pulver qui incarne Elizabeth. « Lilo » Pulver fait elle aussi partie de ces actrices un peu oubliée, malgré une impressionnante carrière internationale (elle a tourné, en plus de Sirk, avec Billy Wilder, Jacques Becker ou Claude Autant-Lara). Elle a aujourd’hui 91 ans et s’est vue décerner un « Quartz » d’honneur par les Prix du cinéma suisse en avril 2021 !   

Le temps d’aimer, le temps de mourir est l’adaptation d’un roman de Erich Maria Remarque, célèbre notamment pour A l’ouest rien de nouveau et dont la majorité des livres ont été adapté au cinéma. Pour Douglas Sirk, il accepte de jouer le Pr Pohlmann. Ce sera son unique expérience d’acteur.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE DOCTEUR JIVAGO (Un amour impossible sur fond de guerre et de révolution, réalisé par David Lean, lui aussi boudé par les critiques!) ou encore LÉGENDES D'AUTOMNE (Un autre film sur les choix des hommes en temps de guerre).

Le temps d’aimer, le temps de mourir est le fruit de la rencontre de deux désirs : celui de l’auteur pacifiste Erich Maria Remarque qui a écrit le livre dont le film est adapté (Un temps pour vivre, un temps pour mourir, publié en 1954 et traduit en France par Michel Tournier), et celui de Douglas Sirk, qui a trouvé dans cette histoire le moyen d’évoquer une souffrance intime, dont il a parlé à conditions que ces confidences ne soient dévoilées qu’après sa mort.  Lorsque Sirk divorce de sa première femme en 1929, il lui laisse la garde de leur jeune fils, Klaus. Nazie convaincue, elle va faire de son fils une star du cinéma de propagande et interdire à Sirk de le revoir, d’autant plus qu’il s’est entretemps remarié avec une jeune juive de gauche. Le cinéaste ne reverra jamais son fils en dehors des écrans de cinéma : enrôlé, Klaus meurt sur le front russe en 1944. 

A la lumière de cette histoire, Le temps d’aimer, le temps de mourir n’en est que plus tragique, et peut se lire comme une déclaration d’amour à ce fils dont il n’a jamais élucidé les conditions de mort. Le parcours d’Ernst dans les décombres de la ville, confronté aux absurdités de la guerre peut être interprétée comme une version fantasmée des derniers moments de Klaus. 

A sa sortie, le film est pourtant essentiellement perçu comme un film politique, et sera d’ailleurs interdit en Russie. Heureusement, le talent de Douglas Sirk est salué par ses pairs, comme Rainer Werner Fassbinder qui déclare : « Peu importe, Godard, Fuller, moi ou un autre, aucun de nous ne peut arriver à la cheville de Douglas Sirk. J’ai vu six films de Douglas Sirk. Parmi eux, il y avait les plus beaux du monde ». La critique, de Jean-Luc Godard à Patrick Brion souligne avec finesse la qualité du film : « remarquablement joué et dirigé, avec la tendresse d'un grand auteur, Le Temps de vivre et le Temps de mourir est une œuvre belle et douloureuse, à ne pas manquer » (P. Brion).

Traiter la guerre, c’est se confronter à une barbarie universelle. Qu’un film américain choisisse le point de vue des allemands, comme l’a fait Peckinpah dans Croix de Fer, en est une preuve. Mais un détour par le parcours de Douglas Sirk est nécessaire pour comprendre ...

Ce film est adapté du roman de Erich Maria Remarque : Le Temps de vivre et le temps de mourir, Douglas Sirk tenait vraiment à modifier le titre pour rendre encore plus indissociable l'amour et la mort, et l'on ne peut s'empêcher de penser au Prélude à la mort d'Yseult, de ...

On confond trop souvent ce qu'est l'essence d'un vrai mélo avec ses excès caricaturaux, ou, pire, avec ses versions outrageusement ratées. Revenir aux fondamentaux est pourtant simple: on retrouve dans ce Sirk la quintessence du genre, débarrassée de de ces aberrations. Il ...