LE VOYAGE DE MARTA

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Le Voyage de Marta raconte l’histoire d’une ado de 17 ans, en vacances dans un hôtel-club avec son père et son petit frère, au Sénégal. Mais elle n’a aucune envie de jouer les touristes et comprend très vite ce qu’il y a de frelaté dans le folklore qui lui est proposé, taillé sur mesure pour les clients de l’hôtel. Elle préfère se lier avec Khouma, le photographe du club, et Aissatou, femme de ménage de son état. Ils lui font découvrir un autre monde…

Le film se présente ainsi comme le portrait sensible d’une adolescente à un moment où il lui est nécessaire de s’opposer à son père pour mieux se construire et trouver sa propre voie. Qu’elle le fasse à un moment où l’un et l’autre sont loin de chez eux lui apporte évidemment du grain à moudre tant l’immersion dans un autre monde est une occasion privilégiée pour définir ses propres valeurs.

Car tout le prix du film réside dans le va-et-vient entre le portrait individuel et le tableau, qui flirte parfois avec le documentaire, d’un pays livré au tourisme. La réalisatrice, Neus Ballus s'est rendue pour la première fois au Sénégal en 2009. Elle avait été frappée par le fossé existant entre la zone dédiée au tourisme et les conditions de vie réelles des Sénégalais. Les centres touristiques comme Saly, Mbour ou Gorée, tous trois situés à quelques kilomètres au sud de Dakar ne vivant que grâce à l’apport de visiteurs étrangers. Depuis lors, rien n’a vraiment changé.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver JE VAIS BIEN, NE T'EN FAIS PAS (C'est un autre film sur la relation entre un père et sa fille.) ou encore CASQUE BLEU (Il présente un groupe de touristes dérangé dans ses certitudes par la présence des gens du cru.).

Le film montre plus qu’il ne démontre. Mais il nous invite à regarder l’Afrique par les yeux de Marta, et nous partageons son malaise. Même les animaux dans la savane, entrevus lors d’un safari, semblent faux. Le summum du ridicule est atteint lors d’une soirée où les visiteurs sont vêtus de boubous et invités à participer à des danses tribales. Le contraste est frappant avec la scène suivante, quand l’adolescente descend en ville et se rend dans un bar où les clients se trémoussent au son d’un rap qui pourrait venir de n’importe où. Ça s’appelle la mondialisation. On y croit d’autant plus que le scénario a été écrit sur place, que le film prend par moments des airs de reportage et que nombre de comédiens sont des non-professionnels invités à reproduire ce qu’ils sont réellement à la ville. Sergi Lopez, qui joue le père de Marta est un habitué de ce genre de défi, et il a grandement contribué à imprimer au film cette forme hybride entre réalité et fiction.

Forme hybride qui trouve son climax lorsque Marta visionne les images vidéo de Khouma, reflet caricatural de ces excursions qu’elle abhorre. La réalisatrice a veillé à ce que ces images vidéo ressemblent à s’y méprendre à celles qui sont effectivement produites dans les hôtels pour voyageurs. Des bandes préformatées, les images étant évidemment celles d’un catalogue sur mesure, un fantasme postcolonial, et non celles de la réalité. C’est une façon subtile de nous alerter sur notre relation à l’Afrique sans être en désaccord avec ceux qui l’ont fait de façon beaucoup plus agressive, à l’instar de Ferreri dans Y’a bon les blancs.

Présenté à Berlin, Le Voyage de Marta est le second film de fiction de Neus Ballus. Le premier,  La Plaga, comprendre La Peste, réalisé en 2013, avait quant à lui été présenté à Cannes à la Quinzaine des réalisateurs. Cette histoire d’un fermier adepte de l’agriculture biologique était déjà le prétexte à la rencontre de cultures différentes, décidemment la préoccupation première de la cinéaste. Mais dans les deux cas celle-ci a tenu à éviter tout manichéisme. Les touristes ne sont pas des monstres et les Africains profitent évidemment de leur présence. Mais peut-être ces questions de culture et du besoin de savoir où chacun se situe sont-elles particulièrement pressantes pour la cinéaste, qui vit à Barcelone. Elle est catalane avant d’être espagnole, et c’est bien en catalan que s’expriment dans le film Sergi Lopez et ses enfants…