LES PLAGES D'AGNÈS

en VOD

« Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages. Moi, si on m’ouvrait, on trouverait des plages » a dit d’elle Agnès Varda. Dans ce film, elle nous invite donc à la suivre de plage en plage, pour tourner les pages de sa vie, sa vie de tournages. Nous l’accompagnons ainsi à Ixelles, dans la banlieue de Bruxelles, où elle est née et a vécu ses vertes années. Puis à Sète, où sa famille a fui lorsque  les Allemands ont envahi le plat pays. Puis à Paris, où elle a trouvé son inspiration et s’est révélé une artiste éclectique et curieuse de tout. Puis Los Angeles, où elle a assisté à la naissance d’un monde nouveau. Avant de revenir à Paris, et à Noirmoutier, et à Nîmes, et à Nantes, et à Marseille…

Ce bouillonnement se retrouve naturellement dans le film. Une nouvelle fois inclassable. Ni documentaire ni fiction, Les Plages d’Agnès est une « rêverie », comme aime à la définir le rêveuse de la rue Daguerre. Viennent se mêler, s’entrechoquer même, différentes formes de cinémas. Du documentaire classique quand Agnès retrouve les lieux de sa jeunesse, et parfois ceux qui ne les ont pas quittés depuis qu’elle a pris son envol. Des images d’archives, des extraits de certains de ses films, lorsqu’ils sont en résonance avec des éléments directement biographiques, des scènes de fiction, où les souvenirs sont incarnés, etc. Sans oublier plusieurs séquences où l’artiste lâche la bride à son inspiration.  De fait pour être ludique, émouvant, drôle, pétillant, Les Plages d’Agnès n’en est pas moins le terrain de belles interrogations sur l’Art avec un grand A.

Mais le plus troublant dans cet autoportrait fait film, c’est que c’est Agnès Varda elle-même qui joue les guides du musée de sa vie. Elle nous invite à la suivre, à reculons puisque nous visitons ses souvenirs plutôt que ses projets. Et pour rester en cohérence avec elle-même, elle marche aussi à reculons. Une façon de ne pas perdre la caméra des yeux. Il existe évidemment des liens entre Les Plages d’Agnès et Jacquot de Nantes. Tous deux permettent de se retourner sur une vie de cinéma, de lier le créateur et sa création, De conjuguer la fantaisie et l’émotion. La dernière scène du film est à cet égard exemplaire, quand une horde d’amis envahit la maison de la rue Daguerre pour offrir à Agnès pour ses 80 ans… 80 balais. Rien n’est plus heureux que de savoir sérieusement ne pas se prendre au sérieux…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LES 101 NUITS (C'est encore une rêverie d'Agnès Varda dont le cinéma est l'axe central) ou encore JACQUOT DE NANTES (C'est une autre occasion de remonter le fil du temps pour brosser le portrait d'un artiste).

On l’a vu, Agnès Varda est dans le tableau, elle se met en scène. Dans le rôle d’Agnès Varda, une drôle de petite vieille –c’est elle qui le dit- avec des cheveux violets dont le dôme est désormais tout blanc. Et elle nous dit tout, enfin presque tout, son art est suffisamment personnel pour qu’il ne soit pas nécessaire de s’allonger en sus sur le divan. Mais si l’on regarde bien, si l’on tend l’oreille, il n’est pas trop malaisé de saisir la sincérité de l’artiste, malgré les dents de scie de son incroyable parcours, du TNP de Jean Vilar aux rivages californiens, alors en pleine effervescence, alors qu’elle se mêle aux Blacks Panthers et fréquente Jim Morrison. Du Paris de la Nouvelle vague aux manifestations féministes. Des pêcheurs de Sète aux veuves de Noirmoutier…

C’est d’ailleurs un étonnant balancement géographique qui la caractérise. Elle est du monde, et c’est sans relâche qu’elle sillonne le globe. Et elle est de la rue Daguerre, au cœur du XIVè arrondissement de Paris. Sans doute ce balancement est-il le reflet de son itinéraire artistique et personnel. N’est-elle pas encline à se mettre en avant – Agnès Varda est de toute évidence l’une des rares cinéastes dont l’on connaît le visage - tout en s’intéressant aux autres comme peu l’ont fait. Le film est plein des autres. Des amis retrouvés, comme la veuve et les fils de Jean Vilar, les enfants de La Pointe courte devenus sexagénaires, etc. Mais aussi de rencontres inopinées, ce collectionneur maniaque de trains miniatures, ces acrobates qui vont de ville en ville… Les people, comme on dit, et les anonymes, les amis d’hier et les rencontres d’aujourd’hui forment sous le regard d’Agnès une chaîne humaine qui donne des raisons de croire en l’homme.

Et des raisons de croire que le cinéma permet de rêver la vie. Aujourd’hui Agnès Varda tourne moins de films, mais elle multiplie ce qu’elle appelle des « installations », des scénographies que l’œilleton de la caméra peine à cerner. Les Plages d’Agnès propose d’une certaine manière quelques installations qui témoignent de sa gourmandise de mise en scène. Quand elle fait disposer des miroirs sur une plage de la Mer du Nord afin que les vagues se reflètent à l’infini. Quand elle fait installer un portique sur la plage de Sète pour pouvoir filmer des acrobates en pleine démonstration de leur talent. Quand elle remonte la Seine à bord d’une barque de pêcheur. Quand elle fait déverser quelques tonnes de sable dans sa chère rue Daguerre pour se rapprocher un peu plus de son film. Mais toutes ces plages nous renvoient finalement à celle sur laquelle se clôt Jacquot de Nantes, quand la caméra d’Agnès se lève doucement pour recadrer le visage de Jacques Demy.

Les plages sont le motif, Agnès est le repère, le temps est la matrice. Autour il y a Jacques, une maison, un père, Il y a aussi un chat, et puis les années qui passent, la maladie, les enfants qui grandissent... Leur souvenir est mis en poésie, par une vielle dame qui marche ...

Difficile de trouver film plus enthousiasmant que Les Plages d'Agnès en cette année 2009... Constamment déroutant, débordant de vie, de créativité et de fantaisie, souvent hilarant et parfois totalement poignant, bouleversant, toujours brillant. Le nouveau film de La Varda ...

Les Plages d’Agnès, plus qu’un film, c’est une leçon de vie, d’optimisme et d’humanité. Agnès Varda nous interpelle, nous invite à vivre ou revivre avec elle des instants précieux mis bout à bout. La cinéaste, la documenteuse, la voleuse d’instantanés, la femme ...