NE NOUS FÂCHONS PAS

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Trois ans après les Tontons flingueurs, deux ans après les Barbouzes, le duo Georges Lautner-Michel Audiard remet ça avec Ne nous fâchons pas, nouvelle parodie policière et bouffonne mettant en scène deux ex-truands reconvertis en honnêtes commerçants contraints, bien malgré eux, de retomber dans leurs errements passés.

D’un côté, Antoine Beretto, anciennement Tonio, alias Lino Ventura, de l’autre, Jeff, alias Michel Constantin. Ventura, ancien catcheur, Constantin, ancien ouvrier chez Renault et ancien joueur de volley-ball professionnel, apportent l’un et l’autre à leur personnage leur carrure imposante et leur détermination butée.

La raison de leur retour aux affaires ? : l’inénarrable Léonard Michalon, alias Jean Lefèvre, « un malfaisant », « un trembleur », «une crêpe », « un lave-dent », également surnommé « le Belphégor des hippodromes ». L’un des rares grands rôles du comédien, ici l’époux de la très charmante Mireille Darc (28 ans), déjà bien connue du public depuis Pouic-Pouic, trois ans plus tôt. Voici donc Ne nous fâchons pas, qui commence par une scène entre Lino Ventura et un policier incarné par Serge Sauvion, la voix française de Peter Falk dans les 68 épisodes de la série Columbo.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LES TONTONS FLINGUEURS (1963) (Autre parodie policière aux ingrédients (scénaristes, réalisateur, comédiens) très proches.) ou encore LE CAVE SE REBIFFE (1961) (Gabin, lui aussi, s’était tranquillement rangé des voitures sous le soleil de Caracas mais, comme Ventura, le voilà obligé de revenir...).

C’est Graeme Allwright qui, à l’instant, chantait le générique de fin de Ne nous fâchons pas, un film qui portait bien mal son titre. En effet, pendant le tournage, Lino Ventura se fâcha tout rouge. Le scénario et son personnage ne lui plaisaient pas et les dialogues non plus. Appelé au secours, Michel Audiard dut débarquer de Paris sur la Côte d’Azur pour sur le métier remettre son ouvrage. Vraiment fâché, le comédien n’assista pas à la première du film et ne tourna jamais plus avec Lautner qui, beaucoup plus tard, évoqua, tout de même, une tardive réconciliation. Le film fut, malgré tout, un succès public et critique, seul Télérama sous la plume de Jacques Siclier devait parler d’un « divertissement de confection », de « grosses ficelles » et d’un « genre en voie d’épuisement ».

Le rôle de Léonard Michalon, ce « parasite grincheux » comme le qualifiera Lautner,  fut écrit sur mesure par Michel Audiard pour Jean Lefebvre, ici dans son premier grand rôle. A l’époque, on l’avait déjà aperçu plus ou moins discrètement, dans une soixantaine de films, des Diaboliques de Clouzot aux deux premiers gendarmes à Saint-Tropez. Echappant à la carrière de pharmacien souhaitée par ses parents, Jean Lefebvre, avec sa belle voix de basse, avait réussi son entrée au Conservatoire d’art lyrique de Paris où, venu pour enseigner les rudiment de l’art dramatique aux futurs chanteurs d’opéra, le célèbre René Simon le remarqua et lui conseilla d’abandonner le chant classique, où il faisait rire tout le monde, pour se consacrer entièrement à la comédie. Ainsi, on le verra, sur scène, dans l’équipe des Branquignols de Robert Dhéry et, au cinéma, dans de brèves et innombrables apparitions dans des films souvent oubliés, mais pas toujours. Ainsi, dans les années 1950, le reconnaît-on en soldat aviné dans les Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot, en chauffeur de car dans Gas-oil de Gilles Grangier ou en tropézien invitant, en vain, BB à danser dans Et Dieu... créa la femme, début d’une longue filmographie riche d’une centaine de titres. 

Quelques jours avant le premier tour de manivelle, Georges Lautner n’avait toujours pas trouvé le comédien qui jouerait l’un des deux malfrats venant, au début du film, relancer l’honnête commerçant qu’est devenu Ventura. C’est ainsi que Michel Audiard appela à la rescousse l’un de ses bons copains, coureur cycliste professionnel de son état, un certain André Pousse qui, excepté une brève apparition, trois ans plus tôt, dans l’opérette yéyé et camarguaise de Noël Howard D’où viens-tu Johnny, faisait, ici, ses débuts au cinéma. Enfin, l’étonnante scène où Michalon se débarrasse de ses british ennemis en faisant sauter le pont qu’ils franchissent derrière lui a pu être réalisée sans truquage grâce au dernier pilier du viaduc de Malvan, près de Saint-Paul de Vence, qui était resté debout après une attaque allemande, en août 1944. Ce dernier vestige fut détruit par le génie civil le 27 mars 1966, devant la caméra de Georges Lautner.

Antoine Béretto vit paisiblement depuis des années à Collioure où il est propriétaire d'un club nautique fort prospère. Cet ancien truand s'est juré de ne plus retomber dans les "affaires" sauf au cas où... Et "le cas où" se produit lorsque deux de ses copains doivent ...

Tourné après les Tontons flingueurs et les Barbouzes qui avaient amplement imposé le goût de Georges Lautner pour ces comédies policières dans lesquelles il renvoie dos à dos les as des services secrets et les gangsters, Ne nous fâchons pas ne déroge pas à la règle et ...

"Michalon ! _ Oui ? _ Merde ! _ Bon." On connaît tous un Michalon. Un de ces boulets de classe internationale. Un mec qui pense pouvoir voler les voleurs, truander les truands, détourner l'argent des dabes. "Le Belphégor des hippodromes !" Et tête de cochon avec ça ! Convaincu ...