Naples a beau être un élément fondamental dans Nostalgia, pour son réalisateur, c'est bien plus un film sur un homme que sur une ville. Pour adapter le roman d'Ermanno Neo, Mario Martone a tenu à en extraire sa part de fable méditative, confronter le regard d'un Italien exilé au Moyen-orient trop longtemps pour reconnaître la Sicile de son enfance. Le choix de tourner exclusivement dans la Sanità, quartier napolitain à part où le crime organisé côtoie les églises baroques, s'est imposé à Martone. Il pouvait construire le dédale sensoriel de son film dans cette singulière enclave, quasiment une parenthèse temporelle qui rend universel le propos de Nostalgia. Une volonté appuyée dès les désorientantes séquences d'ouvertures, où on l'entend autant parler arabe que les dialectes napolitains.
Le décor naturel trouvé, l'autre challenge de Nostalgia restait son casting. Le réalisateur l'a établi de la même manière que le scénario déplace Felice dans les rues de la Sanità, comme sur un échiquier, métaphore intentionnelle lors de l'écriture. Martone s'est donc d'abord focalisé sur des rôles secondaires, nottamment celui du prêtre qu'il a confié à Francesco Di Leva, non seulement parce qu'il avait déjà travaillé avec lui sur Il sindaco di rione Sanità (inédit en France), se déroulant dans le même quartier où l'acteur jouait un médiateur entre la Camorra et la population, mais aussi parce que comme le Père Loffredo, véritable homme d'église qui a inspiré celui de Nostalgia, Di Leva est très actif dans le milieu associatif social. Pierfrancesco Di Favina, ne décrochera le rôle de Felice qu'ensuite, Martone ayant volontairement choisi un italien non napolitain, qui une fois plongé dans la Sanità, devrait comme le personnage, donner le sentiment d'être étranger à cet environnement.
Le rôle du passé et de ses fantômes a évidemment une grande place dans Nostalgia et plus encore pour Martone, qui y a glissé plusieurs indices ramenant à son travail. A commencer par son tout premier film Mort d'un mathématicien napolitain, première expérience de tournage dans la ville sicilienne. L'ouverture de Nostalgia, située dans la Via Foria, sur une musique de Steve Lacy dédouble quant à elle, celle de L'amour meurti, un autre de ses films, tourné dans la même rue, illustrée par le même morceau. La part de miroir se prolongeant quand on y suivait une femme tourmentée par la culpabilité et ses souvenirs, Nostalgia en faisant de même, à vingt-sept ans d'écart, avec un homme. Pour autant, de l'aveu, même de Martone, Nostalgia a vocation à être plus universel que profondément italien : il a souvent confié qu'il rêve d'un remake qui se situerait en Chine, en Amérique Latine ou en Iran.