PINGOUIN ET GOÉLAND ET LEURS 500 PETITS

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A première vue, on pourrait croire à l’alliance improbable d’une carpe et d’un lapin, ou de deux oiseaux marins qui n’ont rien à faire ensemble. Pourtant, ces deux-là ont sauvé 500 petits des griffes les plus rapaces qu’il nous ait donné de subir en France au XXe siècle. Mieux que ça ! Ils les ont élevés et aidés à grandir. 

Reprenons. Michel Leclerc est un réalisateur farceur. Cette fois, il s’attaque à ce qui lui a été interdit pendant longtemps : l’histoire de sa mère. Juliette est juive, ses parents sont morts déportés et elle a survécu à ce trauma grâce des mains tendues. Celle du mime Marceau qui l'a conduite à la Maison des enfants de Sèvres, celles des fameux Pingouin et Goéland qui l’ont créée et la dirigent. 

Ces deux oiseaux rares ont eux-mêmes une histoire bousculée. Instituteurs pacifistes revendiqués, ils sont radiés de l’Education Nationale pour antipatriotisme. Ils ouvrent alors la Maison des enfants de Sèvres, un lieu d’éducation nouvelle ouverte à tous, et surtout aux exclus, en 1941. Juliette y restera 15 ans.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE NOM DES GENS (Parce que la mère de Michel Leclerc y apparaît et qu'elle fait mention de Pingouin et Goéland) ou encore LA MAISON DE NINA (Le film s'inspire des maisons de l'OSE qui ont accueilli des enfants juifs pendant la guerre).

Le documentaire Pingouin et Goéland est avant tout l’histoire d’un lieu et de gens d’exception, plus forts et plus grands que ce qu’une imagination fertile pourrait inventer. C’est aussi l’histoire d’un siècle chahuté dans lequel certains ont dû adopter des stratégies d’ajustement permanentes pour rester fidèles à eux-mêmes. C’est leur cas. Yvonne et Roger Hagnauer de leurs vrais noms, ont adopté ces surnoms volatiles pour eux-mêmes et ceux qu’ils abritent à Sèvres afin de dissimuler au mieux leur identité. Certains sont juifs, tous sont mal vus mais leur Maison des enfants de Sèvres est pourtant financée et adoubée par le régime de Vichy. Ce sera leur plus belle couverture, celle qui leur permettra de recueillir et d’y éduquer des enfants proscrits pendant la guerre. Mais elle leur sera reprochée à la Libération.

Michel Leclerc les a connus de près. Sa mère leur doit la vie, son métier mais aussi sa gaieté. Et c’est tout ce que ce film raconte : l’histoire dans l’Histoire, le dépassement des traumas grâce un enseignement moderne, basé sur la culture, les arts et le respect des enfants et une joyeuse solidarité que les pensionnaires entretiendront tout au long de leur vie. Mais, puisque leur parole sur leur propre histoire était rare, le réalisateur a dû attendre et chercher pour pouvoir la raconter. 

Il le fait à sa manière, ludique, joyeuse et baroque. Il se met parfois en scène mais multiplie surtout les archives des années 1920 aux années 1970, les photos, les bouts de films, autant d’albums authentiques et sincères qui montrent plus la joie de vivre qui a surgi de cette Maison de Sèvres que les problèmes qu’elle a dû endurer. Et quand les images manquent, il confie au dessinateur Sébastien Laudenbach (La jeune fille sans mains) de les créer. L’ensemble est passionnant, formidable et plein de vie.

Le réalisateur Michel Leclerc, à travers l'histoire de sa mère (née Coen), livre ici un émouvant témoignage de l'expérience inédite de la maison d'enfants de Sèvres. Fondée par deux époux instituteurs licenciés de l'Education Nationale pour avoir affirmé leur pacifisme ...