VENDEUR

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La spécialité de Serge, c’est de vendre. Il vend des cuisines, mais il pourrait vendre autre chose. Si un patron de magasin veut voir son chiffre d’affaires grimper en flèche, il n’a qu’à appeler Serge, c’est le meilleur. Mais on ne devient pas un requin sans faire quelques sacrifices. Serge est un quinqua seul, qui vit dans des hôtels, fait appel à des prostituées et n’a pas vraiment d’amis. Le jour où son fils, cuisinier fauché, lui demande de le former à la vente, il se sent vieux.

Vendeur nous fait pénétrer dans un milieu assez méconnu et abstrait, celui des vendeurs freelance qui vont de zones commerciales en grands magasins proposer leurs services au plus offrant. Et notre guide dans cet univers légèrement interlope n’est autre que l’excellent Gilbert Melki, l’un des meilleurs acteurs français. C’est lui qui joue Serge et face à lui, Pio Marmaï incarne Gérald, son fils qui finit par lui ressembler de trop près.

Première réalisation de Sylvain Desclous – qui a également écrit le scénario –, Vendeur est non seulement une démonstration de jeu, mais il est surtout le baptême du feu d’un cinéaste à suivre. Car en lorgnant vers le film noir autant que le thriller social, Sylvain Desclous met une ambiance singulière dans le cinéma français. Quelque part entre un réalisme de classe moyenne à la Audiard et le cœur battant des marginaux si cher au cinéma belge.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver L'ENTOURLOUPE (L'épopée d'un groupe de vendeurs vaguement escrocs pratiquant le porte à porte.) ou encore DIE HARD : BELLE JOURNEE POUR MOURIR (La relation entre le père (John McClane) et le fils (Jack McClane) rendue d'autant plus complexe que les deux suivent la même voie mais revendiquent des méthodes différentes.).

Sylvain Desclous a choisi Gilbert Melki pour son talent, son physique, je cite, "magnifique à filmer" et, je cite encore, "l’animalité de son jeu". Mais aussi parce qu’il a réussi à être un comédien populaire sans être omniprésent à l’écran. Hormis la trilogie La Vérité si je mens ! et la série Kaboul Kitchen, c’est effectivement un acteur reconnu pour ses choix plutôt pointus. Le réalisateur et l’acteur ont créé le personnage de Serge ensemble, ainsi que ce "look évoquant un mafieux américain". Gilbert Melki a notamment utilisé tous les souvenirs de sa jeunesse, quand il vendait des vêtements dans le Sentier et qu’il croisait des vendeurs au bagout incroyable mais à la solitude tenace.

Pour parvenir à cette image dense de polar, malgré ces décors de zones commerciales et de magasins de cuisines, Sylvain Desclous et son chef opérateur, avaient quelques prestigieuses références en tête : L’Épouvantail de Jerry Schatzberg, The Yards de James Gray et Under the Skin de Jonathan Glazer. Et la filiation avec la culture anglosaxonne continue jusque dans cette bande originale hyper cinématographique, très évocatrice, réunissant notamment le groupe anglais les Zombies ou le groupe américain Mink DeVille.

En 2016, Damien Bonnard, qui joue Lilian, a vu sa notoriété exploser dans le cinéma français. Car il n’a pas été seulement au générique de Vendeur, il était aussi à l’affiche de deux films sélectionnés au Festival de Cannes. Rester Vertical d’Alain Guiraudie, présenté en compétition et Voir du pays, des sœurs Coulin, projeté dans la sélection Un Certain Regard. Auparavant, on avait pu le voir dans Augustine, d’Alice Winocour, ou L’Astragale, de Brigitte Sy.