BELLAMY

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Gérard Depardieu, vaste et élégiaque, parait dans le dernier film de Claude Chabrol, et c’est une première rencontre entre les deux artistes. Et la dernière hélas. Le monstre sacré vient en voisin et en ami, un peu comme son personnage, un flic qui a trop vécu et qui pendant ses vacances est rattrapé par les avatars de sa profession.

« Bellamy » est millésimé 2009, Chabrol, fourbu, a déjà 79 ans mais toujours la rage de tourner. Le film d’ailleurs raconte l’envie de rester à la maison, d’ignorer le monde et ses aléas. Au printemps, dans la douce ville de Nîmes on va voir défiler quelques pointures du cinéma français.

C’est d’abord l’énigmatique Jacques Gamblin dont le personnage porte le nom de Gentil et l’on ne sait si ce patronyme est ironique. Et puis Clovis Cornillac, en demi-frère de Depardieu, un petit taureau loser. C’est une oeuvre casanière et tranquille, juste avant de prendre la grand’ route.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver MAIGRET VOIT ROUGE DE GILLES GRANGIER (1963) (Parmi les nombreux acteurs qui ont incarné Maigret au cinéma, Gabin a une stature naturelle. Simenon se servait de son commissaire pour pénétrer dans la société et en étudier les tourments et les moeurs. Ce que fait Claude Chabrol à sa manière, plus désinvolte, plus quotidienne, plus gourmande.) ou encore LES MISTONS DE FRANÇOIS TRUFFAUT (1957) (Avec ce premier film de 18 minutes c'est un peu l'acte de naissance de la Nouvelle Vague en 1957. Quand Chabrol s'occupe de son "Beau Serge", Truffaut lâche une meute d'enfants harcelant un couple d'amoureux dans la bonne ville de Nîmes. Là où le Claude achèvera sa carrière 61 ans plus tard.).

Deux éléments chabroliens ont décidé du film: d’une part un authentique fait divers sordide, comme il les aime. De l’autre une référence non dissimulée à « Assurance sur la mort » de Billy Wilder. Des journaux, le cinéaste aura expurgé « l’affaire Dandonneau » ou l’histoire d’un meurtre avec substitution d’identité pour toucher de grosses indemnités. Cette affaire machiavélique a été organisée par les coupables selon le scénario d’ « Assurance sur la mort » un des films favoris de Chabrol.

Et puis il y a une autre raison, majeure à ce que le film se fasse: la ville de Nîmes. Depardieu et Chabrol y sont voisins de villégiature et regrettent deux projets passés qui n’ont pu aboutir. Avec son titre Bellamy est un clin d’oeil à Maupassant, avec sa ville antique et méridionale il est aussi un clin d’oeil au camarade Truffaut qui y a tourné les Mistons en 1957.  Bref c’est codé, donc du Chabrol pur jus. Auprès de Depardieu en majesté, le metteur en scène voulait François Cluzet un de ses acteurs fétiche mais il n’était pas libre, ce fut donc Jacques Gamblin.

Précisons que l’extravagante séquence où l’avocat chante Brassens en plein prétoire est authentique. C’est maître Dupont-Moretti, en personne, qui a poussé la chansonnette lors du procès Dandonneau, le coupable de l’affaire, dont s’est inspiré le script. Sur ces clins d’oeils de chats le félin Chabrol s’en est allé un an et demi plus tard, le 12 septembre 2010. Son premier film « Le beau Serge » datait de 1959, le dernier « Bellamy » de 2019. Entretemps il avait tourné 54 longs métrages, plus que les 50 ans de cinéma dont il s’était rassasié. Le Bel ami, c’était donc lui.

Les deux derniers films de Chabrol sont des épisodes télé de la série Maupassant de France 2 que je n'ai pas eu le plaisir de voir, mais son dernier film de cinéma est un chef d'œuvre crépusculaire totalement déconcertant et magnifique. Faux polar ou règne un pesant suspense ...

50 ans de carrière, et toujours là. Les raisons qui expliquent la longétivité exceptionnelle du cinéaste Claude Chabrol sont multiples. D'abord parce qu'il est un formidable directeur d'acteurs. Il n'y a qu'à voir ce Bellamy pour s'en convaincre, où l'on assiste à la seconde ...

Les amateurs de Chabrol (dont je fais partie) savent bien que sa filmographie (bien que jonchée de pépites) a tendance depuis un bon moment à faire les montagnes russes. Avec sa franchise habituelle, le réalisateur est le premier à reconnaitre que certains de ses films ne ...