CASSANDRO THE EXOTICO ! en VOD
- De
- 2018
- 75 mn
- Documentaire
- France
- Tous publics
- VO - HD
Réalisé par
Avec
PARCE QUE
Cinq fractures de la clavicule, les dents cassées trois fois, des broches dans la jambe, des vertèbres déplacées et encore une opération des ligaments du genou bientôt prévue. Quand Saúl détaille tout ce qu’il a subi, ces bosses, ces bleus, ces déchirures invisibles à l'œil nu qui le lancent en permanence, son corps devient alors le miroir de son âme. Car le fil rouge de Cassandro the Exotico !, documentaire de Marie Losier, n’est pas seulement sur cette carcasse meurtrie par 26 années de « lucha libre », le catch mexicain. La réalisatrice s’intéresse aussi, et même surtout, aux autres blessures qui ne se voient pas. De celles qui griffent le cœur et qu’on accumule en silence.
Saúl, donc, est un catcheur mexicain. Mais pas n’importe lequel. Un « exotico », un travesti. Avant chaque combat, il applique soigneusement fond de teint et fard à paupière, bombarde de la laque sur sa chevelure brushée, avant d’enfiler une longue traîne sur son justaucorps à paillettes. Le voilà devenu Cassandro, et c’est parti pour le show. Celui-ci est ici double. Il y a celui sur le ring bien sûr, intriguant s’il en est, à la fois surjoué et intensément sportif. Marie Losier montre bien d’ailleurs, via des séquences d’entraînement, que tout est chorégraphié d’avance mais physiquement éreintant. Et puis il y a le show d’un homme qui aime les hommes et aime porter des vêtements de femme, du « Liberace de la Lucha libre ».
Celui-ci est bien sûr le plus intéressant, l’âme vive de ce documentaire coloré. Saúl parle des violences sexuelles subies, des humiliations, de la douleur de la perte de sa mère, de l’homophobie de son père macho, qui a mis des années avant de lui reparler et d’être fier de son fils. Personnalité insaisissable, le catcheur oscille entre les aveux les plus francs sur ses addictions (l’alcool, la drogue) et l’amour du spectacle flamboyant, derrière lequel il planque ses doutes et ses peurs. En filigrane, Cassandro the Exotico ! aborde aussi la peur de vieillir et de ne pas mourir sur scène, loin des projecteurs.
Pour retranscrire cette vie qui ne ressemble à aucune autre, la documentariste choisit un format proche de celui du polaroid et filme à la pellicule 16 mm. Le grain de l’image, la lumière chaude qui la baigne et la façon qu’a le sujet de jouer avec la caméra, donnent l’impression de visionner le résultat d’un caméscope familial un dimanche après-midi mélancolique. Fascinant, et profondément touchant.