Roland Emmerich est le Cassandre des temps modernes. Sa carrière n’est qu’une longue évocation des désastres menaçant le genre humain : si l’on ne s’en tient qu’à ses blockbusters, l’Egypte des pharaons n’était qu’une bande d’aliens dans « Stargate » en 1994 . D’autres aliens détruisaient la terre dans « Independence day » en 1996, la terre était submergée par les eaux dans « Le jour d’après » en 2004, enfin, en 2009, on redécouvrait le déluge avec « 2012 ». On peut dire de ce cinéaste allemand qu’il a inventé le genre néo-conservateur dans le cinéma catastrophe. Plus ricain que ricain, plus républicain et évangéliste que les membres des tea-parties. Et pourtant, à la ville, il est aussi ouvertement gay que proche du parti démocrate. En fait, au-delà de l’idéologie, ce que le cinéphile reproche à Emmerich c’est d’avoir la légèreté d’un mammouth dans un genre déjà connu pour briser à chaque plan la porcelaine familiale. Un côté panzer qu’on retrouve dans Godzilla dont le scénario est, en 1997, aux ordres de la politique conservatrice américaine. Si la bête renait de ses cendres c’est parce que le président Jacques Chirac a repris les essais nucléaires dans le pacifique. Ce qui ne manque pas de sel radioactifs quand on sait que les Japonais on inventé Godzilla en réaction au trauma d’Hiroshima! Evidemment Godzilla s’invite à Manhattan, sur les traces d’un de ses lointains ancêtres de celluloïd. Les Japonais eux-mêmes avaient fait s’affronter les bestioles en 1962 dans le film d’Ishiro Honda « King Kong contre Godzilla ». Evidemment ces grosses bêtes ça casse du bois. Les matériaux utilisés pour les différents décors aurait permis de construire un village d’une cinquantaine d’habitation. Avec la miraculeuse mousse de polystyrène on a construit des façades, des tunnels de métro et toutes sortes d’éléments architecturaux censés s’effondrer dans un fracas épouvantable. Le film est truffé de clins d’œil cinéphiliques en général et au cinéma de Emmerich en particulier. C’est ainsi que le personnage de Matthew Borderick, docteur Niko Tatopoulos dans le film porte le nom du responsable franco-grec des effets spéciaux du film Patrick Tatopoulos. Et puis les éléments y sont de leur contribution : le 6 mai 1997 alors que l’équipe tournait dans le New Jersey une véritable tornade s’abattit sur la région. Emmerich en profita pour tourner des plans de coupe qui allaient servir le chaos du montage final. Tourné à Hawaï et dans la région de New York le film n’a donc jamais quitté les eaux américaines. Il est pourtant dédié à Tomoyuki Tanaka, le producteur de tous les Godzilla, qui a préféré mourir un mois avant la mise en chantier de ce remake farceur.