L'EFFET AQUATIQUE

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Samir est grutier à Montreuil. Un jour il aperçoit Agathe, qui travaille à la piscine municipale. Il fait semblant de ne pas savoir nager pour s’approcher d’elle. Avant de prendre la place d’un conférencier israélien à un congrès de maîtres-nageurs en Islande. Ce qui lui permet de poursuivre sa cour dans une source d’eau chaude au cœur d’une région volcanique. Ceux qui concluront à l’écoute de ce synopsis que L’Effet aquatique est complètement loufoque auront parfaitement raison. Comme quoi peu importe le sujet, tout est dans la manière de le mettre en scène.

Et de ce point de vue ce film de Solveig Anspach est une parfaite réussite, qui joue la carte de la comédie sentimentale sans renoncer aux effets du burlesque. Mais la réalisatrice n’a pas pour autant choisi l’univers de la piscine par hasard. Elle reconnaît avoir adoré Deep end, un film britannique des années 70 dans lequel un ado travaillant dans une piscine tombait raide dingue d’une collègue très sexy. Hypersensible à l’érotisme féminin, Claude Miller n’était pas non plus le dernier à plonger ses personnages en milieu aquatique pour exacerber leurs désirs, de La Meilleure Façon de marcher à Un secret, en passant par Dites-lui que je l’aime. La piscine est le lieu de tous les troubles, même quand l’eau est claire.

Les comédiens portant les personnages du film ne sont pourtant pas des sex-symbols patentés. Mais que l’on nous permette d’affirmer que même avec un bonnet en plastique et des lunettes de piscine, Florence Loiret-Caille est la grâce incarnée. Familière des films de Jérôme Bonnell, Claire Denis ou Michael Haneke, la comédienne est en tous cas de celles qui s’affirment sur la durée. Elle avait d’ailleurs déjà été dirigée par Solveig Anspach, dans Queen of Montreuil, un précédent opus de la cinéaste. Tout comme Samir Guesmi, notre grutier amoureux.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver MARIE ET LES NAUFRAGÉS (Un homme amoureux suit la femme de ses rêves jusqu'au bout du monde) ou encore DEEP END (La piscine est le lieu de toutes les séductions).

Quel que soit l’émoi de ceux qui ne trainent guère leurs guêtres du côté de Montreuil, banlieue symbole du fossé entre prolos et bobos, le film a l’immense avantage de nous faire visiter une contrée plus pittoresque encore : l’Islande. Une île volcanique perdue au milieu de l’Atlantique que l’on imagine peuplée de trolls et d’elfes, mais dont les habitants sont en fait formés aux dernières inventions en matière de numérique. Solveig Anspach, dont la mère est islandaise,  a vécu sur l’île, et c’est tout naturellement qu’elle nous y entraîne une nouvelle fois, douze ans après Stormy Weather, huit ans après Back soon. Une belle occasion de nous replonger dans un monde inconnu, où la nature est farouche, mais dont l’énergie se communique sans crier gare.

Si les comédiens principaux sont les mêmes, Solveig Anspach ne livre pas à proprement parler une suite de son Queen of Montreuil. Mais force est de reconnaître que la signataire de Lulu femme nue possède un univers qui lui est personnel. Ayant réalisé de nombreux documentaires, la cinéaste n’en possède pas moins un goût prononcé pour les univers saugrenus, peuplés de personnages à côté de leurs pompes. La fantaisie qui baigne le film se répand d’ailleurs dans tous ses compartiments, offrant à l’occasion d’adresser une intrigue politique à ceux qui l’écoutent, quand elle propose de réduire le fossé entre Israéliens et Palestiniens…

Rien que de très naturel pour une jeune femme ayant vécu en Islande. Mais après tout, Florence Loiret-Caille a quant à elle passé sa prime jeunesse en Indonésie. Pour Solveig Anspach cette virée islandaise est comme un retour aux sources. Car il est temps de le révéler, et c’est la partie la moins drôle de cette chronique, Solveig Anspach est morte avant la sortie de son film. Atteinte par une récidive de ce satané cancer dont elle parlait déjà, dans son premier film de fiction, Haut les cœurs ! 2015 est de ce point de vue une année noire pour le cinéma français. Puisque Pascal Chaumeil nous a également quitté avant de voir Un petit boulot sur les écrans. Et que c’est d’extrême justesse que René Féret a pu assister à la sortie de son Tchékhov 1890 avant de s’éteindre.

Montreuil... Un grutier... Une vieille hippie islandaise... Pendant tout le film, cet environnement me disait furieusement quelques chose... Et pour cause ! Il s'agit de la suite de Queen of Montreuil, un autre film de Solveig Anspach dans lequel on retrouvait déjà les personnage ...

Solveig Anspach aurait été amusée que son film l'Effet aquatique sort précisément quelques jours avant le quart de finale de l'Euro de football France-Islande. Et elle aurait été déchirée de choisir entre les deux pays, à l'image de son cinéma qui a sans cesse vivoté ...

Quoi de plus tue l’amour qu’une piscine municipale ? Ses effluves chlorés, ses effets acoustiques dissonants, ses mosaïques de carrelages souvent très moches à faire s’extasier la Damidot… Et pourtant Solveig Anspach transcende ce lieu, le rend poétique et incroyablement ...