LA HAINE

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Oui Vinz, Hub et Saïd ont la haine. Tout le temps. Contre les flics. Contre le monde entier. A l'hôpital, il y a leur pote Abdel, dans le coma à la suite d’une bavure policière. Et la cité gronde à cause de ça. Si Abdel meurt, Vinz a juré de tuer un "keuf" avec ce Smith and Wesson 44 qu'il a ramassé lors d’une bagarre. Les flics sont partout, harcelant le trio de rageurs, pendant que sur des panneaux géants une pub proclame "Le monde est à vous" comme un mensonge intolérable, une incitation à la haine, justement.

Pour son deuxième long métrage après Métisse, Mathieu Kassovitz, frappait vraiment là où ça faisait mal, et plus mal encore aujourd’hui : la banlieue, la jeunesse multiraciale écoeurée qui tape mais pourrait autant se taper la tête contre les murs ou tomber d’une barre d’immeuble en chute libre. Dans le film, une voix off résume cet état d’esprit en une blague : "c’est l'histoire d'un mec qui tombe d'un immeuble de cinquante étages. Au fur et à mesure de sa chute, le mec n'arrête pas de se répéter : "Jusqu'ici, tout va bien ; jusqu'ici tout va bien ; jusqu'ici tout va bien !"". Et chaque scène de ce film syncopé et au noir et blanc somptueux qui l’empêche de vieillir, est comme un niveau de plus dans la dégringolade.

La Haine, réalisé en 1995, reste un coup de poing de cinéma avec ses mouvements de caméra bluffants, sa tchache, son humour noir du désespoir, mais aussi ses grands moments surréalistes. Et quand Vinz/Vincent Cassel, explosif et explosant dans ce film là, imite devant son miroir, le De Niro de Taxi Driver, on se dit que oui, Scorsese a forcément aimé cette Haine-là.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver DE BRUIT ET DE FUREUR DE JEAN CLAUDE BRISSEAU (Parce que Brisseau, avant tout le monde, défaisait un constat désespéré mais lucide sur la banlieue avec de grandes scènes surréalistes) ou encore MA 6-T VA CRACK-ER (Autre constat violent d'une jeunesse de banlieue en perdition par le futur réalisateur de Mesrine).

On va faire attention en parlant de Kasso, pour ne pas risquer un twit vengeur ou insultant, comme lorsque, déçu de l’insuccès son dernier film L’Ordre et la morale, il déclara "enculer" le cinéma français… Mais d’où vient donc La Haine de ce metteur en scène-acteur ?

Attention, l’ordre - réalisateur d’abord, acteur ensuite - est important, car Mathieu Kassovitz prétend ne faire l’acteur que pour regarder un autre metteur en scène au travail et participer à un film quelle que soit sa place. Réaliser est son vrai métier, même si, chaque fois qu’il joue, il est parfait, comme dans ses deux films sous la direction de Jacques Audiard, Regarde les hommes tomber en 1993 et Un héros très discret, trois ans plus tard. Sans parler de son interprétation remarquable d’un prêtre dans le Amen de Costa Gavras. Ce qu’il veut, Mathieu, comme son père Peter, c’est tenir la caméra mais pour parler d’un monde plein de mensonges qui le mettent en rogne. Après Métisse, son premier long très influencé par Spike Lee, un autre homme en colère, il remporte trois Césars (meilleur montage, meilleur film, meilleur producteur) et le prix de la mise en scène au Festival de Cannes 1995 avec cette Haine qui met une baffe au cinéma français par son insolence dans le fond comme dans la forme. Les médias le couvre, lui et ses acteurs, de gloire alors qu’il voulait que son film fasse parler de la banlieue ? Il leur règle leur compte dans son film suivant, Assassin(s), un brûlot incompris contre la télévision à sensation, avec un Michel Serrault génial à faire peur.

La France est trop petite pour Kasso : juste après Les Rivières pourpres, le thriller policier avec Jean Reno et Vincent Cassel, énorme carton en salles qui totalise plus de 3 millions d’entrées, il tente l’aventure américaine avec Gothika, thriller fantastique de série B, avec Halle Berry et Penélope Cruz. Un galop d’essai - et une manière de gagner assez d’argent - pour pouvoir mettre en chantier son rêve : Babylon A.D., l'adaptation de Babylon Babies, le roman de l'écrivain Maurice G. Dantec. En fait, le tournage sera un cauchemar, Kasso se fâchant avec les producteurs américains et considérant son acteur principal, Vin Diesel comme un crétin capricieux.

Mais le pire pour lui sera l’échec public de son film suivant, L’Ordre et la Morale, pourtant un très bon film, soutenu par la critique, et résultat de plusieurs années d’enquête du réalisateur sur la prise d’otages de 30 gendarmes par un groupe d'indépendantistes Kanak en Avril 1988, sur Île d'Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie. Si le public ne veut plus voir ce genre de films dossiers politiques, ou si le cinéma français ne veut plus en produire, c’est grave pour Kasso. Alors oui, on a du mal, souvent, à le suivre, mais finalement, derrière l’éternel ado rebelle, il y a peut-être, simplement un citoyen en colère.  

Dans les années 90, il y avait Ophélie Winter, et Vincent Cassel, qui joue aussi bien la petite frappe que le grand bandit. Et même si toutes les zones 4-5-6 du RER y ont vu une apologie de la racaille, ce film est juste une vraie photo urbaine violente sans fards, sans démago, ...

Il y a vingt ans de cela, un film embrasait la croisette, La Haine. Un titre concis définissant à merveille l’état d’esprit du film et de son jeune réalisateur de 28 ans, Mathieu Kassovitz. La haine, c’est le sentiment qui ronge de l’intérieur Vinz, jeune banlieusard ...

Evénement de l’année 1995, La Haine a tout d’un film contextuel qu’il est assez curieux de revoir, ce que proposent les salles à l’occasion de sa restauration 4K. Parce que la situation n’a pas changé, et que le fameux atterrissage dont parle le film pour évoquer ...