PATIENTS

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C’est dit dès les premières images : toute ressemblance avec des personnes ou des faits existants ne serait pas du tout le fruit du hasard. Patients s’inspire en effet très largement du vécu de Fabien Marsaud, plus connu sous le nom de Grand Corps Malade, et de l’année de rééducation à la suite de son accident qu’il avait précédemment relatée dans un livre en 2012.

Cette année de douleur et d’espoir, de lucidité et de rêves, de terrible solitude et de belles amitiés, Patients nous la fait vivre à travers les yeux de Ben, tétraplégique qui lutte au jour le jour pour surmonter son handicap, gagner en autonomie, se déplacer seul…

Grand Corps Malade a fait appel à Mehdi Idir, qui signe ses clips, pour coréaliser avec lui ce premier long métrage. Il a tourné au centre de réadaptation de Coubert, où il a été lui-même patient mais il n’a jamais envisagé cette aventure cinématographique comme une forme de thérapie censée le libérer d’une histoire encombrante. Son enjeu est qu'on s’attache à ses personnages au-delà du fait qu’ils sont en fauteuil et que l’on regarde différemment les handicapés.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE SCAPHANDRE ET LE PAPILLON (Après un AVC un homme devenu tétraplégique et incapable de parler va pouvoir communiquer en clignant de la paupière. D'après une histoire réelle.) ou encore DE TOUTES NOS FORCES (Un père convainc son fils de participer à un triathlon bien qu'il soit dans un fauteuil roulant).

Avec Patients on comprend vite combien, en situation de handicap, le geste le plus simple peut devenir mission impossible ou un immense moment de solitude. Grand Corps Malade a atteint son objectif : amener les spectateurs valides à réaliser ce qu’est le quotidien d’un handicapé. Le slammeur le résume simplement :"Quand les gens voient quelqu’un en fauteuil roulant, ils se disent : "Ah le pauvre, il ne peut pas marcher". Après ce film-là, ils vont se rendre compte que marcher n’est pas le premier problème, d’autres problèmes arrivent avant, bien plus difficiles ou insupportables. Personne ne se demande comment un tétraplégique fait pour manger, faire pipi, ou se mettre au lit ? Il est dépendant des autres pour chaque geste".

En voyant Patients, la question que l’on peut se poser c’est de savoir s’il y a parmi les comédiens principaux des personnes invalides. La réponse est aucun, à l’exclusion de l’interprète de Samir, qui écoute en boucle son CD de Bob Marley. Les cicatrices qui marquent son front sont bien réelles et depuis la fin du tournage il n’est d’ailleurs plus en fauteuil roulant. Cet ami du réalisateur n’est pas un comédien professionnel mais il s’est révélé exceptionnel lors du casting. Quant à Pablo Pauly qui incarne Ben, il a perdu 12 kilos en un mois pour être le plus faible possible et s’approcher de la condition des tétraplégiques qui n'ont pas de muscles, plus de ceinture abdominale. Et dans la scène où Ben tombe, les réalisateurs ont pu vérifier au ralenti que l’acteur a bien gardé ses mains recroquevillées et n’a pas cédé au réflexe de les ouvrir pour amortir sa chute.

Pour Grand Corps Malade, il n’était pas question de verser dans le pathos, qui ne correspond pas à son tempérament. La gravité est là bien entendu mais cette histoire se devait d’être pleine de vie et d’humour. Et l’autodérision permet de passer d’une émotion à l’autre. La vanne entre personnes dans la même galère est d’ailleurs fréquente. Dans les centres de rééducation, les handicapés développent un vrai humour. "L'une des premières blagues que j'ai apprises en centre, raconte-t-il, c’est : Tu sais où tu peux trouver un tétraplégique ? Là où tu l'as laissé la dernière fois. Entre nous, plus on faisait de l'humour trash, mieux ça marchait."

Invité à l'avant-première au CGR Dragon par le cinéma Méga CGR de La Rochelle, j'ai donc eu l'immense privilège de voir ce film plus de trois mois avant sa sortie et en présence d'une grande partie de l'équipe. Patients est l’adaptation cinématographique du livre éponyme ...

Etant moi-même handicapé, ce film me parle forcément de plus près qu'à un spectateur lambda : des potes para, tétra, j'en ai eu ; des qui sont morts trop tôt, aussi ; les centres de rééducation, j'ai connu, ainsi que tout ce qui va avec et qui est très bien montré ici ...

Handicap, sujet casse-gueule (oui, le mauvais jeu de mot est assumé) : comment traiter sans condescendance, sans mièvrerie ni apitoiement, sans pudeur gênée un sujet aussi délicat ? Par le témoignage de ceux qui l’ont vécu, évidemment. Adapté par Grand Corps Malade ...