LISZTOMANIA

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Si vous voulez être déconcertés, vous allez être servis. Voilà un film où soufflent fort les libertés des années 70, liberté des moeurs, liberté de la musique et liberté du cinéma. On se croirait tantôt chez Fellini, tantôt dans un soft-porno italien un peu burlesque mais nous sommes en voyage en Europe, sous la caméra du Britannique Ken Russell. S’agit-il d’une oeuvre impérissable, font-ils simplement n’importe quoi? On s’en fout, la bonne humeur qui règne ici a bien vieilli et elle nous manque.

Nous sommes dans les années 30, (1830!), et la star du moment se nomme Liszt, Franz Liszt. Prodige hongrois, pianiste virtuose et musicien d’exception qui donnera des centaines de concerts à travers l’Europe devant des foules de femmes de plus en plus excitées. C’est sur cette vie de bête de scène que Russell a choisi de se concentrer pour y mélanger les ingrédients les plus pimentés qu’il ait pu trouver. C’est ainsi qu’on croise Wagner, son futur gendre, en avatar d’Hitler, qu’un véritable Beatle, Ringo Starr, enfile des habits de pope, que Liszt se transforme en Charlot dans la Ruée vers l’or, ou que son sexe enfle démesurément avant d’être menacé d’extrême circoncision par une guillotine...

Et la musique dans tout ça? Elle est bien là. Avec un Liszt incarné par Roger Daltrey, alors leader des Who et lui-même habitué des claviers et des méga-concerts; et avec des arrangements synthé-pop composés par le leader de Yes, Rick Wakeman. Dans ce grand n’importe quoi, le mélange fonctionne. Et tiens, c’était la première fois qu’on utilisait la dolby stéréo au cinéma.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver PERFORMANCE ou encore MUSIC LOVERS .

Alors oui, quand on voit ça, des questions, on s’en pose, et fortunément, des réponses, on en trouve. A commencer par le titre Lisztomania, c’est à l’écrivain allemand Heinrich Heine qu’on le doit, pour décrire la ferveur qui déchaînait les fans, au milieu du XIXe siècle, lors des concerts du maître-queue. Les femmes se battaient raconte-t-il pour s’arracher ses gants. Les Beatles n’ont rien inventé.

Le film est librement inspiré du roman Nelida, de Marie d’Agoult, sa maîtresse française pendant une décennie et la mère de ses trois enfants. Mais si vous cherchez une version plus traditionnelle de leur histoire, n’hésitez pas à consulter Song without End (Le Bal des adieux) un film de 1960 de Charles Vidor avec Dirk Bogarde et Geneviève Page; et pourquoi pas Impromptu, de James Lapine en 1991, avec Julian Sands dans le rôle de Liszt, mais sachez que ce dernier film se préoccupe surtout des amours de Chopin et George Sand (soit Hugh Grant et Judy Davis).

Ken Russell a choisi d’axer son histoire sur une opposition hypothétique entre un Liszt bon génie et un Wagner, inspirateur d’Hitler et de ses jeunesses. Rappelons quand même ici que les deux hommes, sensiblement du même âge, sont morts dans les années 1880. Mais Ken Russell a tous les droits. Parce que la musique, c’est son dada, et les musiciens, au cours de sa longue carrière, il en a fait des tas de documentaires: Prokofiev, Bartok, Strauss, Mahler, Bruckner, Debussy.... Et des films aussi. En 70, ce fut Music Lovers sur Tchaikovsky avec Richard Chamberlain et Glenda Jackson et en 75, juste avant  Lisztomania, il avait signé, avec Pete Townshend, Tommy, d’après l’album des Who, et déjà Roger Daltrey dans le rôle principal. Cela dit, si c’est Mick Jagger que vous préférez voir faire l’acteur, vous pouvez toujours vous tourner vers le Performance de Nicholas Roeg, où le leader des Rolling Stones donnait la réplique à James Fox, dans le Londres assez débridé de 1969.