LOST HIGHWAY

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Quoi de plus dérangeant et de plus mystérieux qu’une cassette déposée anonymement chez vous qui vous montre en train de dormir tranquillement dans votre lit ? Cette désagréable expérience va perturber la vie d’un saxophoniste et de sa femme. La mort rôde et ne tardera pas en effet  à frapper sauvagement.

Avec Lost Highway David Lynch emporte le spectateur dans un inquiétant thriller. « On y trouve aussi plusieurs éléments très différents de ceux du film noir classique mais, comme le précise le cinéaste, l'ambiance est très noire ». Et l’univers si particulier du réalisateur de Blue Velvet et Twin Peaks est bien présent dans ce récit en forme de puzzle psychologique aussi déroutant qu’envoûtant.

Barry Gifford, coscenariste, du film et qui avait déjà imaginé Sailor et Lula, définit Lost Highway comme "Orphée et Eurydice au pays d'Assurance sur la mort". De fait, cette histoire brouille les frontières entre la vie et la mort comme dans le fameux mythe tout en faisant penser au chef-d’œuvre du film noir de Billy Wilder. D’ailleurs Patricia Arquette qui interprète ici le rôle principal féminin rappelle, jusque dans son look, la femme fatale qu’incarnait Barbara Stanwyck dans le film de 1944.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver SPLIT (Portrait d'un criminel aux multiples identités) ou encore MULHOLLAND DRIVE (Une autre réalisation de David Lynch autour du thème du dédoublement et du transfert d'identités).

Le scénario de Lost Highway puise dans des événements de la vie personnelle de David Lynch. Un des points de départ de l’intrigue provient d’un rêve qu’il a fait lors du tournage de Twin Peaks Fire Walk with me. Il a la vision celle d'un couple qui reçoit une cassette vidéo montrant la façade de sa maison. Plus tard, sur une autre cassette déposée les deux personnes se voient en train de dormir. Au-delà de ce rêve troublant, l’événement qui ouvre le film est réellement arrivé au cinéaste. Un matin très tôt, on a sonné à son interphone et une voix a dit : "David ? Dick Laurent est mort." N’ayant pas de fenêtre donnant sur la rue, il s’est déplacé pour voir qui lui avait parlé. Mais il n'y avait plus personne. Le message était sans doute destiné à son voisin, prénommé lui aussi David, car il ne connaissait aucun Dick Laurent. Mais ce moment étrange lui a fait vive impression.

Schizophrénie, transferts d’identités… Lost Highway explore les méandres de l’esprit humain. On sait combien cette thématique hante l’oeuvre de Lynch. "Je n'en ai jamais parlé à l’époque, a-t-il raconté, mais je faisais une fixation sur le procès O.J. Simpson. Je crois qu'une partie de l'idée de départ est venue avec cette affaire. Parce que voilà un type qui - du moins, je crois - commet deux meurtres et à qui ça ne pose aucun problème de continuer à vivre, à s’exprimer, à jouer au golf. Comment réagit le cerveau après ce genre de chose, après un meurtre atroce, après cette expérience ? Comment l'esprit parvient-il à se fermer à la conscience et à continuer à fonctionner ?" Ce qui a intéressé  le réalisateur c’est cette capacité de l’homme à reléguer l’horreur dans un recoin de sa tête de sorte qu’il puisse reprendre le fil d’une vie normale.

Les fans de Marilyn Manson doivent être très attentifs pour ne pas rater son apparition en acteur porno aux côtés du bassiste Twiggy Ramirez : elle ne dure en effet que quelques secondes. Grand admirateur du cinéma de David Lynch, le rocker considère que Lost Highway est l’un des meilleurs films du metteur en scène. Il ajoute qu’il n’a cependant pas tout compris. Les pistes d’interprétation sont multiples et passent par les rapports entre l’image et le son. On se contentera de signaler qu’à l’origine le scénariste avait en tête le ruban de Moebius, cette figure de la répétition infinie. De fait, le film est parfaitement bouclé par son générique de début et de fin. Rappelons d’ailleurs que  les premières paroles entendues dans la chanson I’m deranged  de David Bowie annoncent que les secrets circulent d’une drôle de façon…

Plus qu'une histoire de schizophrénie, de crise d'identité ou de violence, Lost Highway est une remise en question de la narration classique d'un film. Plutôt qu'une critique, je propose ici une interprétation possible de la structure du récit ainsi que de ses thèmes. Pour ...

Avant de tenter d’attraper au vol le manège spiralaire de Lost Highway et de trouver un siège libre sur l’une de ses Cadillac rutilantes, restons sur les bancs qui l’entourent, réservés aux parents émerveillés des sourires de leur progéniture qui, finalement, ne font ...

Sous le nom de Lost Highway, se cache une violente virée dans l'inconscient d'un homme brisé par sa souffrance ; elle-même, induite de sa propre culpabilité. Qu'il y a-t-il de plus humain que de voir la culpabilité venant de la réalité essayer de s’effacer dans l’imaginaire ...