BRUMES DE CHALEUR

en VOD

En 1980, après une longue traversée du désert suite à son éviction des studios la Nikkatsu pour lequel il était salarié, le cinéaste japonais Seijun Suzuki tourne Mélodie Tzigane. En fait le premier film de la trilogie “Taisho” (une ère située au Japon entre 1912 et 1926) basé, comme les deux films qui suivront, sur une forte identité visuelle et un onirisme ambiant détonant . Proche d'ailleurs du cinéma expressionniste allemand des années 20, mais en version colorée. 

Adapté d'un livre d'Izumi Kyoka, romancier, dramaturge et poète japonais très réputé au début du 20e siècle, Brumes de chaleur, tourné en 1981 et deuxième film de la trilogie, montre le dramaturge Matzuzaki qui tente de rejoindre dans une station thermale sa maîtresse, la belle et mystérieuse Shinako. Sauf que celle-ci est sous la coupe de Tamawaki son mari jaloux qui menace de la tuer, ainsi que son amant. 

Tout comme Mélodie Tzigane, et Yumejo (troisième opus de la trilogie Taisho tourné en 1991), Brumes de chaleur se focalise plus sur son esthétisme que sur son histoire, somme toute assez lambda. Suzuki s'amusant à construire un mixte étonnant de déconstruction scénaristique et de rupture de ton visuelle. Voir cette étonnante séquences où des décors de théâtre s'écroulent les uns après les autres. Ou cet autre moment où des protagonistes se retrouvent soudainement dans des décors différents dans une même scène.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver JULES ET JIM (Un des premiers films de Truffaut sur le quotidien amoureux d'une femme et de ses deux amants. Magique. Et magnifique !) ou encore HISTOIRE D'UNE PROSTITUÉE (Tourné en 1965 par Suzuki, un puissant mélo sur la relation complexe entre une prostituée et deux soldats).

Qu'ont donc en commun les cinéastes Quentin Tarantino, Wong Kar-wai, John Woo, Jim Jarmusch et Christophe Gans ? Et bien ils vouent tous une adoration fétichiste à Seijun Suzuki (1923-2017), immense cinéaste japonais, réputé pour ses séries B des années 60 (principalement des polars urbains) tel que La marque du tueur, La jeunesse de la bête, ou Le Vagabond de Tokyo. Des bandes qui, malgré leur côté de pur cinéma d'exploitation assumé, tentent de telles expérimentations sonores et visuelles que Suzuki finira par être viré de la firme Nikkatsu qui les produisait. Après une longue traversée du désert ou il survit en tournant des publicités et des films de commande, Suzuki rebondit avec sa trilogie de Taisho, mais qui n'obtient pas pour autant un immense succès public. La reconnaissance tardive de son travail dans les années 90, lui permettra de rebondir une dernière fois avec deux ou trois autres films, mais moins novateurs que ceux de ses débuts de carrière. 

De son vrai nom Michiyo Okusu, Michiyo Yasuda, qui interprète Shinako, est une actrice japonaise d'origine chinoise née en 1946. Surtout connue en Asie, elle a été nominée quatre fois à l'équivalent des Oscars japonais pour finalement remporter un prix d'interprétation en1981 pour Mélodie Tzigane, premier film de la trilogie Taisho. Présente dans près de 70 films et séries télé depuis ses débuts en 1964, madame Yasuda, apparaît également dans le rôle principal féminin de Baby Cart : le territoire des démons , 5e opus d'une série de six films tournés entre 1972 et 1974 et consacrés aux exploits sanglants d'un samouraï errant dans la lande avec son enfant. 

Interprète du dramaturge Matsuzaki, l'acteur japonais Yusaku Matsuda, mort à l'âge de quarante ans en 1989 d'un cancer de la vessie, est devenu très populaire au pays de Godzilla grâce à la série policière de la fin des années 70, Tantei monogatari, où il incarne un détective privé à la ramasse. Sa carrière au cinéma, limité à cinq films, se clôture l'année de son décès sur Black Rain de Ridley Scott, où il joue un yakusa traqué à Tokyo par Michael Douglas et Andy Garcia.