THE BLOT en VOD
- De
- 1921
- 91 mn
- Drame
- Etats-Unis
- Tous publics
- VF - HD
PARCE QUE
C’est un important historien américain du cinéma qui l’affirme : « Avec Griffith, Lois Weber était le premier véritable auteur du cinéma américain, un cinéaste impliqué dans tous les aspects de la production et du tournage. Elle utilisait le cinéma pour exprimer ses propres idées et philosophies. » De fait, The Blot (La tache, en français), qui fait partie de ses dix derniers films sur la centaine qu’elle réalisa, correspond parfaitement à cette définition : le scénario, écrit par la cinéaste avec une autre femme Marion Orth, sa complice d’écriture pour de nombreux films, évoque explicitement les différences entre les classes sociales et les inégalités économiques, sociales et culturelles qui en découlent. Le film aborde ainsi frontalement la question de l’endettement et de la marginalisation sociale qui s’ensuit. Autant de thèmes brûlants au sein d’une nation, les États-Unis, en pleine expansion économique dans ces années, lesquelles cependant se terminèrent par une crise économique et boursière sans précédent. C’est précisément cette dualité que The Blot décrit avec infiniment de réalisme.
Preuve supplémentaire de cette volonté quasi-documentaire, le scénario du film a été écrit à partir d’articles que Lois Weber avait lus sur la pauvreté des enseignants et du clergé. Prenant alors pour cible le capitalisme américain, les deux auteures stigmatisent également les contraintes sociales qui pèsent sur les femmes, et les conduisent même à aller à l’encontre des valeurs chrétiennes qu’on leur inculque pourtant. Allant plus loin encore dans cette volonté réaliste et naturaliste, Lois Weber tourne son film en lumière naturelle et dans des décors existants, faisant même appel à des non-professionnels, au moins pour les rôles secondaires. Enfin, le recours à une fiche descriptive affichée sur l’écran pour présenter les protagonistes accentue, si besoin était, cette tendance à vouloir « faire vrai » à tout prix.
The Blot s’inscrit ainsi dans une filmographie presque militante entamée par Lois Weber dès 1915, l’année de sortie de son film The Hypocrites, soit la première apparition d’une femme entièrement nue au cinéma, incarnée par Margaret Edwards. Elle dénonce de cette façon la prohibition de la sexualité libre par l’Église et les tendances de cette dernière à pratiquer ladite sexualité loin des regards de la société… L’année suivante, avec son film Where Are My Children?, elle aborde la question polémique et scandaleuse du droit à l’avortement et du contrôle des naissances. La même année que The Blot, la cinéaste réalise également What Do Men Want?, dans lequel elle stigmatise l’inconstance masculine et ses dégâts sur la société. Citons encore en 1921 The Mariage Clause, à travers lequel la cinéaste s’en prend aux contraintes sociales qui pèsent sur les femmes mariées dès lors qu’elles veulent reprendre leur liberté. Autant de films, parmi beaucoup d’autres qui font de Lois Weber une cinéaste féministe et progressiste.
The Blot, plus d’un siècle après sa sortie, demeure un film tout à la fois rare et nécessaire. Rare, Parce que le film à sa sortie fut mal accueilli par la critique et par le public. On le crut même définitivement perdu jusqu’en 1975, date à laquelle il est retrouvé puis restauré en 1986. Il est depuis lors considéré comme l’un des chefs-d’oeuvre de Lois Weber. La majorité des nombreux films de la réalisatrice ont hélas été perdus, volés ou détruits. On en dénombre à ce jour une trentaine seulement qu’il est possible de voir. Et la plupart témoigne d’une originalité profonde et d’une volonté affirmée de faire du cinéma un outil social parmi d’autres, d’où l’extrême modernité d’une cinéaste au parcours exceptionnel.