RIVIÈRE SANS RETOUR

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En 1953, Otto Preminger tourne Rivière sans Retour en Cinémascope, nouveau procédé destiné à combattre par une image large et spectaculaire, celle, bien plus modeste et en noir et blanc, de la télévision désormais posée dans de nombreux foyers américains. Il retrouve ici son chef opérateur attitré depuis Laura (1944), Joseph La Shelle, qui fait des merveilles en Technicolor. Les rouges flamboient, les jaunes scintillent, le bleu de l’eau de la rivière sans retour miroite à l’infini, et Marilyn Monroe, joyau de ce film situé dans l’Amérique des chercheurs d’or en 1875, est splendide.

La blonde star qui a fait ses débuts au cinéma en 1947, a accumulé les petits rôles, et accédé à des partitions plus marquantes avec des réalisateurs de renom (Joseph L. Mankiewicz pour Eve, Fritz Lang pour Le démon s’éveille la nuit), en est à son vingt deuxième film, mais seulement son cinquième rôle principal après Troublez moi ce soir de Roy W. Baker, Niagara de Henry Hathaway, Les hommes préfèrent les blondes de Howard Hawks et Comment épouser un millionnaire de Jean Negulesco. Après Le Petit Train du Far-West où elle ne faisait que passer, et avant Arrêt d’autobus qu’elle tournera en 1956 sous la direction de Joshua Logan, Marilyn incarne ici pour la deuxième fois le rôle d’une chanteuse de saloon dans un western.

Le personnage de Kay Weston est quelque peu stéréotypé et fort malmené par les hommes et les éléments. Vêtue de robes sublimes à paillettes lorsqu’elle est dans le saloon, ou d’un jean moulant et d’une chemise le reste du temps, Marilyn n’a pas grand chose à jouer, à part quelques très belles scènes intimistes avec le jeune garçon. Mais elle s’essaie à de nouvelles choses et prend notamment pour parler, au lieu de la petite voix enfantine qui a fait sa gloire, une belle voix grave qui donne du relief à cette femme peu définie.  Elle interprète en outre, divinement, quatre chansons : celle qui donne son titre original au film, River of no Return, One Silver Dollar, I’m gonna file my claim et une très belle comptine, Down in the Meadow.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver JOHNNY GUITAR DE NICHOLAS RAY (1954) (Un western dont le personnage central est une femme, interprétée (comme pour Marilyn Monroe dans Rivière sans retour) par une actrice, Joan Crawford, plutôt dévolue à d’autres genres, tel le mélodrame.) ou encore CHANTONS SOUS LA PLUIE DE STANLEY DONEN ET GENE KELLY (1952) (Il doit son titre à une chanson que l’on entend dans le film, comme Rivière sans retour.).

Ce fut un tournage épique. Preminger, on le sait, n’était pas un tendre et Marilyn avait beaucoup de mal à mémoriser ses répliques. Pendant les prises de vue en extérieurs, dans la région d’Alberta au Canada, l’actrice Shelley Winters, qui tournait près de là un film de Raoul Walsh, La Brigade héroïque, rendit visite à ses deux amis, Marilyn Monroe et Robert Mitchum.

Dans ses mémoires en deux volumes (Also known as Shirley et The Middle of my Century), elle raconte avec verve et sans doute quelques fioritures, son arrivée sur le plateau où plus Preminger vitupérait, plus Marilyn oubliait son texte. Il existe des photos de tournage où Marilyn se déplace avec des béquilles, le pied gauche plâtré. Shelley Winters assista à l’incident : alors que l’actrice s’enfuyait littéralement du radeau sous les invectives de Preminger qui menaçait de la doubler dans cette scène, elle glissa sur le bois mouillé du ponton et tomba. Rattrapée par Shelley, elle monta dans la voiture de celle-ci, accompagnée de son inséparable coach de l’époque, Natasha Lytess. C’est en arrivant à l’hôtel que Marilyn révéla, le souffle court, qu’elle s’était cassé la cheville. Après un vent de panique et un transport organisé vers la chambre de la star, celle-ci reçut un coup de téléphone du producteur Darryl Zanuck auquel elle fit savoir qu’elle arrêtait le film si on ne lui dépêchait pas tous les médecins nécessaires sur place.

Après une soirée détendue et arrosée avec ses amis, Marilyn fut examinée au petit matin par une armada de spécialistes et les rayons X ne révélèrent pas de fracture. Elle insista cependant pour être plâtrée jusqu’au genou et se rendit, comme un brave petit soldat, sur le plateau. Une fois maquillée, coiffée et habillée, son plâtre caché par son costume, mais soutenue par les béquilles (et Shelley Winters qui n’en perdait pas une miette), elle rejoignit le décor et, d’une petite voix soumise, demanda : "Monsieur Preminger, que voulez vous que je fasse ?" La fin de ce joli conte dit que, sous les regards lourds de toute l’équipe, désormais totalement acquise à l’estropiée, le loup se transforma en agneau et que le tournage devint une promenade de santé. Quant à la narratrice, elle conclut, faisant référence à tous les détracteurs de Marilyn la prenant pour une cruche : "Idiote, ma copine ? Un rusé renard, oui !".

Le cinéma offre une diversité étonnante : diversité des genres, des techniques, des histoires racontées, des jeux d'acteurs, et surtout des émotions qu'il éveille chez le spectateur. Et parfois, on aime un film sans pouvoir se l'expliquer ; on a coutume d'appeler cela « ...

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-J'ai l'impression que tout le monde va s'occuper de moi, et eux aussi. Bon il faut filer d'ici. On prend le radeau, allez viens fils. -Mais comment ça le radeau vous disiez que... -Ce que j'ai dit avant ne compte pas. Nous n'avons pas le choix maintenant. Prenez vos affaires. ...