LE GARÇON SAUVAGE

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En 1951, Jean Delannoy a 43 ans et sa filmographie compte déjà une quinzaine de longs métrages, parmi lesquels : Macao, l’enfer du jeu, Pontcarral, colonel d’empire, l’Eternel retour et la Symphonie Pastorale.

Cette fois, en compagnie d’Henri Jeanson – qui en écrira le scénario et les dialogues –, il adapte le Garçon sauvage, un roman qu’Edouard Peisson, ancien capitaine de la marine marchande reconverti dans la littérature, venait de faire paraître. Il y racontait l’histoire de Marie, une prostituée marseillaise, décidée à récupérer son fils, un garçon d’une douzaine d’années prénommé Simon qui l’idolâtre. Après des premiers instants idylliques, l’ambiance deviendra plus pesante lorsque, découvrant la profession de sa mère, le garçonnet devra, en plus, supporter l’homme dont elle s’est amourachée, un certain M. Paul, vil proxénète qu’il va rapidement détester.

Dans le rôle de Marie, vous reconnaîtrez l’étonnante Madeleine Robinson, à qui ce rôle vaudra, assez logiquement, la Victoire de la meilleure actrice française et le Prix Fémina du cinéma, récompense remise sous les ors du Grand Véfour par la rédactrice en chef du magazine Elle : Françoise Giroud.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LES NUITS DE CABIRIA (Le portrait poignant d'une prostituée romaine. Actrice et épouse du réalisateur, Giulietta Masina recevra le prix d'interprétation au Festival de Cannes.) ou encore LES 400 COUPS (Antoine Doinel est un autre garçon sauvage, qui doute de l'amour de sa mère et erre dans les rues de Paris, en butte à la violence du monde des adultes.).

Un an avant de tourner le film que vous venez de voir, Jean Delannoy avait déjà dirigé Madeleine Robinson dans Dieu a besoin des hommes, face à Pierre Fresnay en marin-pêcheur-sacristain. Dès cette époque, il lui avait conseillé de lire le Garçon sauvage. Sans plus ! Un an se passe et, soudain, Henri Jeanson l’appelle, lui demandant de venir immédiatement chez le producteur, le seul à douter que le rôle soit pour elle. En un quart d’heure, racontera plus tard la comédienne dans son livre de souvenirs les Canards majuscules, elle se coupa une mèche, mis des bas plus fins, des talons plus hauts, un rouge à lèvre plus violent et une impressionnante couche de rimmel. Chez le producteur, elle s’assit sur l’accoudoir du canapé, croisa les jambes et sortit un long fume-cigarette de son sac en croco. C’est ainsi que Madeleine Robinson décrocha le rôle de Marie la prostituée !

Le rôle de son fils fut confié à Pierre-Michel Beck, deux ans avant qu’Edwige Feuillère entame son éducation sentimentale dans le Blé en herbe de Claude Autant-Lara. Quant à M. Paul, vous avez peut-être reconnu Frank Villard, celui dont Jean Gabin, dix ans plus tard dans le Cave se rebiffe, dira que, si la connerie se mesurait, il pourrait servir de mètre étalon à Sèvres. Frank Villard avait, à 24 ans, entamé sa carrière comme décorateur à la Victorine. C’est là que Vivianne Romance le remarqua et l’imposa sur plusieurs de ses films, dont Cartacalha, reine des gitans de Léon Mathot. Un an avant le Garçon sauvage, Yves Allégret lui avait confié le rôle du veule palefrenier amant de Simone Signoret dans Manèges. Plus tard, il sera l’oncle amoureux de sa nièce dans Gigi et Garcin, le révolutionnaire, dans Huis-Clos, deux films de Jacqueline Audry. Enfin, c’est face à Martin Sheen dans la version longue d’Apocalypse Now de Francis Ford Coppola exploitée à partir de 2001 – c'est-à-dire 21 ans après sa mort – que l’on retrouvera une dernière fois Frank Villard, moustache fine et cheveux blanc, en patriarche colonialiste, anglophone et physiquement diminué.

Coppola avait 12 ans lorsque le Garçon sauvage fut présenté aux spectateurs newyorkais, en version originale sous-titrée. Il y fut rebaptisé le Triangle sauvage, « afin que le spectateur ne pense pas qu’il s’agit de l’histoire d’un garçon perdu dans la jungle », précisait l’auteur des sous-titres ! Le New York Times vit en lui « le meilleur film venu de France depuis plus d’un an » et le New York Herald Tribune jugea l’interprétation « au-dessus de tout éloge ». Seule, la Légion Américaine pour la Décence parla d’un film « immoral et contraire à l’esprit chrétien ». 

Marie est une jolie femme qui vit de ses charmes à Marseille. Elle est mère d’un garçon qu’elle a placé en nourrice chez un berger en Provence. Le film débute alors qu’elle va lui rendre visite en pleine montagne désertique des Alpilles. Son arrivée en car, au bout ...

Cela faisait plusieurs films que Delannoy additionnait les tares du classicisme froid qu'il trimbalait depuis "L'éternel retour" (1943), si on excepte deux films comerciaux ("Le bossu" en 1944 et "La part de l'ombre" en 1945). Au triomphe ...